Diamond Island, pépite flamboyante et ode à la jeunesse cambodgienne

Île située à la frange de la capitale et envahie par la modernité, pays en plein expansion, promesse du luxe garantie, gratte-ciels m’as-tu-vu, imitation des monuments occidentaux (pauvres Champs-Elysées), quartiers homogènes recouverts d’échafaudages: bienvenue à Diamond Island.

«Je n’ai besoin de personne en Harley Davidson»

Quatre ans séparent le percutant Sommeil d’Or, documentaire sur les ruines du cinéma cambodgien et le court métrage hétéroclite Cambodia 2099 de son deuxième film. Présenté à la SACD lors de la 69ème édition du Festival de Cannes, le réalisateur franco-cambodgien revient et nous livre cette fois, une fiction sur fond de mutation et d’ascension sociale.

Bora (Sobon Nuon) et son comparse Dy (Mean Korn) quittent la campagne pour la ville afin de trouver du travail, le fameux exode rural. Notre jeune Bora, naïf et ignorant (il pense que l’Egypte se situe en Europe, voisine de l’hexagone), est plongé, entre autre, dans le monde du travail et de la nuit, la cigarette, les déboires de l’amour et du deuil. Il croise fortuitement son frère Soleil, personnage mystérieux au style manga assez dark, incarné par le charismatique Cheanick Nov, qui, pour son bien, lui promet un avenir triomphant…

Un univers poétique et chaotique

Digne d’une carte postale du Club Med, l’île de Koh Pich a tout pour séduire. Mais derrière ce paysage enchanteur cohabite un monde d’ouvriers cloîtrés dans des conteneurs «recyclés» et sciés, vêtus de fringues gracieusement offertes par les ONG du coin, casque en pvc à la tête, krama au cou, tongs aux pieds: des conditions plus que déplorables signalées, illustrées en toute délicatesse, sans pour autant prendre parti.
La nuit tombée, guidés par des néons fluorescents, c’est rendez vous sur la place, défilés de deux-roues (et parfois trois à quatre personnes sur le même véhicule, ça arrive), divertissement au karaoké, bières Angkor ou Tiger sur la table, dragouillades et clopinades. S’ajoute une bande son éléctrifiante, mélancolique (composés par Jérémie Arcache et Christophe Musset, anciens membres du groupe Revolver) et vintage. On pense au passage du manège filmé en steadycam sur fond rock. A noter que la chanson est interprété par Sin Si Samouth (ou orthographié Sinn Si Samuth), l’équivalent de notre patrimoine musical Charles Aznavour.

Diamond Island se démarque principalement par sa lenteur lancinante, au risque de fondre le spectateur dans l’ennui, montrant en parallèle ce développement pharaonique. Ces silences et non-dits (le malaise lors des retrouvailles de Bora et Soleil ou pendant le rencart de Bora) résident subtilement dans ces cadrages symétriques aux couleurs chatoyantes; rappelant sans équivoque le cinéma de Wes Anderson et celui de Wong Kar Wai.

Sobon Nuon

Offrant à la fois une vision emplie de tendresse sur une jeunesse euphorique et ivre d’amour, Davy illustre avec finesse ce monde frappé par un contraste social flagrant régnée par la soif de l’ascension sociale; celle-ci démocratisée par les investiseurs étrangers. Par son intelligence et sa subtilité, le film fascine autant qu’il nous inquiète. L’addition de plusieurs thèmes, notamment socio-politique, inclus dans une écriture habile orchestrée par une mise en scène subtile et délicate ne peuvent rendre le film qu’attrayant.

Une transition passé, présent

Le Sommeil d’Or rappelle un Cambodge en plein effervescence et cet âge d’or du cinéma cambodgien désormais enfoui et réduit en cendres où seuls les rescapés, à travers leurs œuvres et témoignages, ne puissent sombrer dans l’oubli.

L’auteur de Diamond Island s’installe dans cette nouvelle vague de jeunes artistes cambodgiens tentant hardiment un renouveau sans pour autant nier ce passé lourd et pénible que cette jeunesse n’a pas connu et, paradoxalement, tente d’oublier. Contrairement à son aïeul Rithy Panh (S21 la machine de mort khmère rouge, L’Image manquante), au plus grand respect, s’enfermant tristement et involontairement dans cette sphère traumatique des génocides khmers rouges.

Davy Chou, bien qu’oscillant entre une culture franco-khmère, incarne manifestement ce symbole d’espoir et apporte à cette génération future un bain de jouvence.

Encensé par la critique, Télérama le positionne «entre ivresse et spleen» et récemment, le magazine ELLE parle d’«un teen movie cruel et drôle». Pourquoi pas. Et nos confrères Les Inrocks, avec leur habituel superlatif, «d’une jeunesse cambodgienne magnifiée». J’acquiesce et ajoute: Somptueux et Pop.

Charlie Tamperry

Actuellement au Cinéma Les Carmes (Orléans) et Studios (Tours

“Diamond Island” Un film de Davy Chou  1 h 39

Avec Sobon Nuon, Cheanick Nov, Madeza Chhem
Origine France, Cambodge   2016

 

 

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