“Moonlight”, itinéraire d’un enfant paumé

“Moonlight”, au titre improbable, raconte, en trois actes, en trois temps marqués par des ellipses très fortes mais suivant de manière chronologique la recherche identitaire d’un jeune garçon paumé, né d’une mère accro à la drogue dans un quartier pauvre et ensoleillé de Miami. Little, ou Chiron, incarné successivement par trois excellents acteurs pas forcément raccord physiquement tant la quête d’une identité structurante de sa personnalité va modifier en profondeur le personnage fictionnel.

Le film fonctionne sur le principe de ce qu’a appelé l’éthologue Konrad Lorenz avec son expérience célèbre sur des oies, “l’imprégnation psychologique”, en montrant, dans les années trente, comment des oisons pouvaient s’attacher à l’expérimentateur comme substitut de la mère… Mais ce que montre le film, au delà de cette expérience psychologique, c’est le désarroi, la souffrance générés par cette carence affective, quel qu’en soit le substitut. Little/Chiron se cherche entre l’absence de sa mère, la violence rejetante de ses camarades et la protection affectueuse du dealer, comme substitut du père absent.

Profondément classique dans sa structure mélodramatique, le film se construit sur les fractures, les manques du récit et les doutes qui en résultent  pour le spectateur sur l’identité de chacun, sur les intentions relationnelles avec Chiron. D’où une étonnante et persistante impression d’identification avec le personnage, de découvrir l’ambivalence de sa relation avec les autres, avec toujours la même peur de l’erreur d’appréciation, avec la même fausse naïveté, et la  distance grandissante nécessaire pour se protéger de l’affection comme de l’agression.

« Ce qui m’intéressait, c’était l’hyper-virilité et la vulnérabilité de Chiron. Au cinéma, les hommes noirs ne pleurent jamais. Mais ce n’est qu’un cliché, ce n’est pas ça, la nature humaine »
Barry Jenkins

Et c’est avec la force de cette empathie que se construit le film, au fil des trois ages de Chiron en nous plaçant au cœur de ses interrogations de jeune noir, peut-être homosexuel, qui finit par se construire la carapace adaptée à son statut. Pas une explication sociologisante de comment on devient dealer, mais une troublante plongée sur la destinée humaine que tout spectateur, si éloigné soit-il de Miami, reçoit avec toute la force d’un drame contemporain.

Gérard Poitou

“Moonlight” un film de Barry Jenkins  1 h 51

Avec Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes

 

 

Commentaires

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  1. Ce film était une bonne idée de départ car traiter de l’homosexalité chez les noirs au cinéma est assez rare.
    Il s’avère cependant que l’action manque de crédibilité et de naturel avec des acteurs jouant tout en retenue dans un environnement pourtant violent. Le dealer, père de remplacement, est un tendre dans l’âme et l’enfant, qui va lui succéder, est un doux qui joue au faux dur pour défendre sa “différence”! Tout cela est un peu “niais” et n’a rien du film social ou du polar du ghetto. Naturellement, tout se termine bien en “réveillant” un émoi remontant à l’enfance mais jamais enfoui et qu’on espère cette fois “libérateur” pour les deux principaux personnages !
    Le film de Barry Jenkins est “surfait” et ne mérite certainement pas les éloges qui lui ont été fait à sa sortie. On peut cependant être séduit par la nouveauté du genre et l’esthétique du film.

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