“L’autre coté de l’espoir”, fraternité nordique

Le film de Kaurismäki invente un genre cinématographique aussi étrange que jubilatoire, entre la fable et le documentaire. De la fable, il prend cette liberté narrative qui l’autorise à décrire un petit monde hors du temps, où se tissent de curieuses relations humaines entre des personnages qui vivent une sorte de pastiche de la vraie vie, celle qui justement fait irruption avec Khaled, le réfugié syrien qui a fui Alep. Avec lui s’impose un style documentaire qui nous fait découvrir l’itinéraire de cet homme que la police va décider de renvoyer dans son pays, alors qu’en toile de fond, les images d’un reportage télé nous montrent les ruines fumantes de sa ville natale.

Les deux univers s’entrechoquent visuellement: quand la fable nous offre des images à la lumière chaude et sophistiquée, le centre de rétention où atterrit Khaled nous plonge dans un univers terne et glacé. Avec la rencontre de ces deux récits contrastés, parsemés d’interludes de rock finlandais aux paroles décapantes, et la réunion de ces deux personnages, entre Wikhström, un VRP grisonnant et décati  qui cherche à changer de vie en rachetant un restaurant exotique et Khaled, le réfugié qui cherche désespérément sa sœur, une communauté de destin va se nouer, celle que l’on appelle la solidarité.

Et c’est bien le génie de conteur de Kaurismäki que de nous “raconter” la solidarité, pas de nous l’expliquer par des discours moralisateurs, juste en mettant en scène cette double histoire qui reste toujours à fleur de vie, entre humour subtil et tragique insupportable. L’hospitalité à l’égard des réfugiés n’est pas un supplément d’âme, c’est plutôt une sorte d’arrangement avec la vie qui fait se croiser deux histoires, deux fragilités si différentes soient-elles.

Et si la compassion venait de la conscience de la précarité de nos destins ?

Gérard Poitou

“L’autre coté de l’espoir” un film de Aki Kaurismäki 1 h 38

AvecSherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Ilkka Koivula
 

 

 

 
 

 

 

Commentaires

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  1. Excellent, très excellent film, qui ne marchera pas car pas assez commercial (pas de sexe, trop altruiste…) et qu’il faut aller voir car sur écran TV ds 6-8 mois, ça ne donnera rien de rien…
    Belle leçon d’humanité même si l’ambiance de travail et le déroulé n’ont rien de MORAl tant sur le plan hygiène du restaurant, que de l’emploi juridique des salariés…Mais quand il s’agit de sauver des vies humaines, peu importe les moyens d’y arriver, même s’ils sont détournés..

    • Je ne crois pas que le but du réalisateur était de dépeindre un environnement social “dans les règles” !
      Ce qu’il montre, c’est la réalité au quotidien en Finlande comme ailleurs…malheureusement pour les conditions humaines de travail !
      C’est un film pour le circuit Art et Essai et il ne peut pas attirer les “foules”. Il aura cependant son public et le chiffre actuel des entrées est encourageant et démontre que le sort des migrants ne laisse pas les personnes indifférentes.
      Sur le fond, j’y ai vu une similitude avec le film de Bouli Lanners “Les premiers, les Derniers”, par sa noirceur, ses paysages tristes, ses personnages décalés…et sa lueur d’espoir !
      Vous ne parlez pas de la bande musicale. Il est pourtant difficile de passer à côté car elle participe de “l’ambiance” du film.

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