Les expositions parisiennes de l’été à ne pas rater

par Bénédicte de Valicourt

L’envol

Difficile de ne pas voir une métaphore dans « l’Envol », l’exposition avec laquelle Antoine de Galbert, a choisi de clôturer l’aventure artistique qu’il mène depuis 14 ans à la Maison Rouge, qui ferme définitivement ses portes le 28 octobre.

Un au revoir placé sous le signe du rêve de voler, caressé depuis toujours par l’être humain, comme le rappelle Dédale, qui avait tenté de prendre la fuite dans les airs avec son fils Icare, harnachés de deux ailes collées à la cire, qui finirent brulées précipitant Icare dans la mer. Une fin tragique, qui rappelle aux hommes que le ciel est réservé aux Dieux. Ce qui ne les a pas empêchés de remettre sans cesse en cause les lois de l’apesanteur ou de se lancer dans l’inconnu.

Ainsi vers 1500, Léonard de Vinci écrivait son Codex sur le vol des oiseaux, concentré sur l’idée de réaliser des ailes battantes à accrocher aux hommes, concept repris en 1632 par Hezârfen Ahmed Çelebi, un inventeur ottoman qui s’élança de Tour de Galata d’Istanbul pour rejoindre la rive asiatique du Bosphore avec succès (soit 3,358 km). Cette réussite aurait donné des idées à son frère, Hasan Çelebi Lagari, qui se propulsera dans les airs à l’aide d’une fusée en forme de cône en 1633 durant les célébrations de la naissance de la fille du sultan Mourad IV. Des expériences, dangereuses, qui ont ouvert la voie à la rêverie et aux artistes comme Hervé di Rosa, Salvador Dali, Brassaï, Henri Cartier-Bresson, Hergé, Zdenek Kosek, Georges Méliès, Johannes Stek. Pour d’autres, l’envol au contraire est le seul échappatoire à la fin du monde programmée : Karl Hans Janke aurait ainsi réalisé plus de 500 dessins décrivant des centaines d’innovations techniques pour fuir la Terre à base de vaisseaux spéciaux. Alors que la Sonora Aero Club se réunissait secrètement dès 1850 pour construire le premier avion navigable qui leur permettrait de fuir. Autant de “tentatives” et  d’aventures, présentées à la Maison Rouge, qui ferme ainsi la page, avant de renaître, on l’espère, sous une autre forme.

Jusqu’au 28 octobre à la Maison rouge. www.lamaisonrouge.org

Unya Ishigami, Freeing Architecture

Se fondre dans la nature quand on est architecte ? Un challenge que relève avec un talent exceptionnel, Unya Ishigami, un architecte japonais de talent, qui revendique une part de rêve dans ses créations en les comparant volontiers à des paysages, des nuages ou des forêts.

Il suffit d’ailleurs de tourner autour des immenses et si singulières maquettes exposées à la Fondation Cartier pour entrer étonné dans son univers onirique et si original que la frontière entre environnement extérieur et espace intérieur semble comme effacée. Il y a là, dans une mise en scène spectaculaire, la House of Peace créé en 2014 pour la ville de Copenhague, un extraordinaire et immense bâtiment blanc en forme de nuage reposant sur l’eau,  conçu comme un symbole de paix. Ou encore la maquette de l’Institut de technologie de Kanagawa, un bâtiment exceptionnel par sa légèreté et la continuité qu’il offre entre le dehors et le dedans, conçu en 2008  et celle plus classique du musée polytechnique de Moscou qu’il a restauré et transformé en musée jardin depuis 2011. L’œuvre est singulière et délicate, le créateur hors norme. Son œuvre a d’ailleurs été récompensée par le Lion d’or à la Biennale d’architecture de Venise en 2010 et le MoMA lui a récemment consacré une grande exposition. Né en 1974, il appartient à la génération d’architectes japonais qui a émergé dans les années 2000 dans le sillage de Toyo Ito et Kazuyo Seijima. Loin des contraintes et des règles de l’architecture, ils allient extravagances formelles, audaces techniques et sensibilité à l’écologie. Un enjeu de taille pour l’avenir de la planète.

Prolongation jusqu’au 9 septembre 2018 à la Fondation Cartier. www.fondationcartier.com

« Mondes tziganes », la fabrique des images

Retracer et démonter les stéréotypes associés aux gens du voyage depuis le XIX e siècle : tel est le fil conducteur de cette foisonnante exposition qui a vu le jour à la suite d’une sollicitation des Rencontres d’Arles, qui cherchaient un partenaire pour les aider à produire l’exposition de Mathieu Pernot sur les Gorgan, une famille rom dont le photographe a suivi le trajet de 1995 à 2015.

Le musée de l’immigration, décide alors d’explorer le sujet en l’élargissant à l’histoire et aux représentations photographiques de ces communautés en France et ailleurs dans le monde de 1860 à 1980. Ainsi au début du XXe siècle, des cartes postales ancrent dans l’imaginaire des gadjés (les non tziganes) la figure de ces nomades montreurs d’ours, liseurs de bonne aventure, musiciens, étudiés par des savants qui les classent en fonction de leurs traits. Des stéréotypes qui vont jusqu’à imposer par la loi du 16 juillet 1912, un carnet anthropométrique à tous les “Nomades”.

Perçus comme étrangers, ce sont des suspects potentiels. Ce qui n’exclue pas à contrario, une certaine fascination pour les pèlerinages aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue, les mariages grandioses ou ces femmes à la beauté étrange, photographiés par de grands noms de la photographie d’avant-garde comme Eugène Atget, Germaine Krull, André Kertész ou Jacques-Henri Lartigue. Le sujet fait aussi la couverture des magazines dans les années 30. Il y a là aussi quelques photographies des camps de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) et de Rivesaltes, témoin de l’internement en France entre 1940 et 1946 de près de 6500 nomades et des persécutions qu’ils ont subi durant la Seconde Guerre mondiale. Les Sterio, une famille de nomades, vagabondent de leur côté, sur tous les continents, de l’Australie, à l’Afrique du Sud, aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Quant à Emile Savitry qui a suivi Django Reinhardt, il a comme d’autres photographes dont Robert Doisneau, Willy Ronis ou Joseph Koudelka, noué des relations fortes avec certains groupes comme la famille de Matéo Maximoff (1917-1999) qui a eu la bonne idée de rassembler les photos de sa famille prises par ces grands noms de la photo dans des albums. Enfin, il y a le projet à la fois ethnographique et artistique de Mathieu Pernot, Les Gorgan, présenté l’été dernier aux Rencontres d’Arles. Exceptionnel.

Musée national de l’histoire de l’immigration jusqu’au 26 aout.  www.histoire-immigration.fr

Japonismes 2018

De l’ancestral kabuki, aux arts numériques, en passant par l’exposition de « trésors nationaux », Paris se transforme jusqu’au mars 2019, en une vitrine de la culture japonaise, avec plus de 50 évènements prévus. 

L’idée et la décision sont venues des plus hauts sommets de l’Etat nippon. Le premier ministre Shinzo Abe a d’ailleurs fait le déplacement le 12 juillet dernier à Paris pour inaugurer la saison japonaise en présence du président Macron. Elle débute avec « Fukami », une exposition qui est une plongée dans l’esthétique japonaise, qui unit tradition et modernité, sous une perspective nouvelle. D’une salle de l’hôtel Salomon de Rothschild, se confrontent les estampes de Hokusaï et les concepts cybernétiques de Daito Manabe , les peintures d’Isson Tanaka et celles de Gauguin auquel on le compare et une poterie Jömon datant de 2 500 ans avant Jésus Christ se confronte à une robe dessinée par Kunihiko Morinaga, le jeune créateur de la marque Anrealage avec Kohei Nawa, dont on peut aussi admirer le  « Throne » posé sous la pyramide du Louvre.

« Fukami », à l’hôtel Salomon de Rothschild jusqu’au 18 aout.

Dans le même temps à la Villette, le collectif protéiforme TeamLab, supprime les cadres et se joue des frontières en utilisant le high-tech pour voir le monde différemment.

520 ordinateurs, 470 projecteurs, 500 ingénieurs, graphistes, vidéastes, musiciens se jouent du réel dans une installation immersive et interactive, par-delà les frontières de l’art, de la science, de la technologie et du créatif. Les tableaux évoluent en fonction des déplacements des visiteurs. Onirique et parfait pour s’initier aux arts numériques, le Japon se situant à des années-lumière devant nous sur ce sujet.

« TeamLab, au-delà des limites ». Grande halle de La Villette, jusqu’au 9 septembre. www.japonisme.org/fr

Et aussi

Visa pour l’image 

Pour ses 30 ans le festival de photojournalisme de Perpignan, Visa pour l’Image s’expose à la Villette à Paris avec un écran géant qui projettera dans la Grande Halle (espace Charlie Parker), une sélection de reportages au cours de deux séances de projection : • SAMEDI 15 SEPTEMBRE 2018 À 20H • DIMANCHE 16 SEPTEMBRE 2018 À 16H.  En parallèle, du 15 septembre au 15 octobre, une sélection de photos exposées cette année à Visa pour l’Image – Perpignan, sera à découvrir au cœur du Parc de la Villette. https://lavillette.com

Gordon Matta Clark : anarchitecte

Formé comme architecte, influencé par le land art, Gordon Matta Clark a pendant dix ans fait des interventions dans des immeubles abandonnés du Bronx, avant de mourir d’un cancer à l’âge de 35 ans. Il en a percé les murs, découpé les planchers, arraché les revêtements, s’emparant de ces bâtiments comme d’une matière à sculpter, comme en témoigne les séries de photos « Bronx Floors » et « Walls ». Au musée du Jeu de Paume, jusqu’au 23 septembre. www.jeudepaume.org

« Peinture des lointains »
Comment les premiers artistes explorateurs, partis à la rencontre des peuples des Lointains, ont-ils dépeints ces territoires si différents de l’Europe ? Jusqu’au 6 février 2019 au musée du Quai Branly. www.quaibranly.fr

« Au fil du siècle 1918-2018. Chefs d’œuvre de la Tapisserie».

De 1918 à 2018, de grands artistes comme Matisse, Picasso, Miró, Le Corbusier, Delaunay, Vasarely se sont prêtés au jeu en produisant des tapisseries pour l’Etat Français. Des œuvres remarquables à voir jusqu’au 23 septembre 2018 à la galerie des Gobelins, le lieu d’exposition des Manufactures nationales des Gobelins. http://www.mobiliernational.culture.gouv.fr

« Jurassic world » 
Une plongée dans les entrailles du parc à la découverte des dinosaures et des grands moments du film Jurassic World. Jusqu’au au 2 septembre 2018 à la cité du La Cité du Cinéma à Saint-Denis.www.jurassicworldexposition.fr

« Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet »

Les Nymphéas, le chef d’œuvre de Monet, finalement conservé après bien des tergiversations au Musée de l’Orangerie, ont largement influencé des artistes abstraits américains comme le montre cette exposition. Musée de l’Orangerie, jusqu’au 20 août 2018.

www.musee-orangerie.fr

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