Un Amour impossible : Virginie Efira, sur le tranchant des lames et du chagrin

En adaptant le (très) dense livre de Christine Angot, Catherine Corsini donne à l’actrice Virginie Efira un très beau rôle, l’histoire d’un amour mère-fille épuré jusqu’au sang, écorché d’humiliation, sur fond de chronique sociale des années 50-60.

Niels Schneider, Virginie Efira. (c) Stephanie Branchu

« Il était entré dans sa vie ; elle ne le voyait pas en sortir ». Dès le début, la voix off d’Un Amour impossible de Catherine Corsini, plante son couteau avec une audace esthétique folle dans le cœur des spectateurs, avant de leur asséner : « Je suis née le 3 février 1959 à Châteauroux. Sur mon acte de naissance il est écrit : père inconnu ».

Niels Schneider (c) Stephanie Branchu

Quand Rachel (Virginie Efira), jeune femme juive de condition modeste, fait la rencontre de Philippe (Niels Schneider), jeune traducteur à la base américaine de Châteauroux à la fin des années 50, elle ne sait pas encore qu’il deviendra la source d’un chagrin qui n’aura jamais de fin. D’un autre milieu social que le sien, ne manquant jamais une occasion de le lui faire sentir par des petites humiliations tranchantes, il ne lui promet rien, surtout pas le mariage. « Pour rester libre », lui avoue-t-il dans une scène de fête foraine où la première ombre passe sur le visage de Rachel, commençant sa longue plongée dans une nuit dont elle ne sortira finalement jamais. Apprenant qu’elle est enceinte, le comportement de Philippe ne changera pas. Pire : il quitte Châteauroux et ne réapparaît que de longs mois après, puis disparait de nouveau à la naissance de sa fille qu’il refuse de reconnaître. Elle ne le reverra qu’épisodiquement, toujours de manière très fugace comme lors de ces vacances au bord du lac vosgien de Gerardmer, ou après son déménagement à Reims, pour que sa fille puisse enfin voir son père (Estelle Lescure, jouant Rachel adolescente, bouleversante), qui finit par la reconnaître. Jusqu’à l’ultime confession de l’inceste de ce père qui aura poussé l’humiliation jusqu’à l’abjecte, mais ça n’est que le propos secondaire du film. Il s’agit bien, malgré le titre, d’un amour finalement possible bien que très tumultueux entre une mère et sa fille.

Virginie Efira est Rachel : vivre d’un chagrin éternel

Virginie Efira, Estelle Lescure. (c) Stephanie Branchu

Un Amour impossible est l’histoire d’une libération inachevée, de la révélation d’un crime, d’une force rayonnante donnée par la comédienne Virginie Efira ; mais aussi la fragilité d’un aveuglement, de la beauté froide et toxique, d’un antisémitisme déguisé sous le charme pervers du jeune intellectuel bourgeois fou de Nietzsche de Philippe – Niels Schneider, glaçant – se révélant peu à peu d’une corruption qui laisse deviner, dès la moitié d’Un Amour impossible, l’issue et la tonalité du crime. Le tout empaqueté dans un demi-siècle au cours duquel le spectateur – qui fut aussi peut-être le lecteur de Christine Angot – passe de la Ve République provinciale berrichonne où l’on « coiffe encore Sainte Catherine » si l’on n’est pas mariée à 25 ans, jusque dans les couloirs modernes habillés de formica des HLM des années 70. Le passage du temps, qui doit se lire autant sur les visages qui vieillissent autant que sur les décors qui passent du style fin René Coty début Charles de Gaulle à la modernité post-68, place sur le chemin de la réalisatrice des difficultés titanesques : comment y croire, au-delà du mélodrame gentiment nostalgique et désuet que laisse deviner l’affiche ? Avec acuité et intelligence, Catherine Corsini clôt Un Amour impossible dans la douleur et le chagrin d’une colère et d’un amour qui ne passeront jamais ; et c’est finalement, après 2h15 de film, une petite source de bonheur qui sourd des entrailles de ces deux femmes, mère – fille à jamais liées dans le chagrin de la vie, comme elle pourrait jaillir des tréfonds d’une vie pour la désaltérer, enfin.

F.Sabourin

Un Amour impossible, de Catherine Corsini (2h15). Avec Virginie Efira, Niels Schneider, Estelle Lescure, Jehnny Beth.

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  1. Il convient aussi de signaler la présence de Jeanne Lapoirie comme Directeur de la photographie. Avec elle à la caméra, on est habitué au sublime (120 Battements par minute, huit femmes…et j’en passe).

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