Deux décembre, black saturday

Les scènes d’émeute en plein Paris ce samedi noir ont, à l’évidence, fait franchir un palier à la crise des « gilets jaunes ». L’atmosphère près de l’Arc de triomphe rappelait davantage un 6 février – La marche des ligues d’extrême-droite sur le Palais Bourbon en 1934 pour  renverser le gouvernement Daladier – qu’un 2 décembre de victoire ou de coup d’état bonapartiste.   

Par Pierre Allorant

« L’hiver du mécontentement »: le retour du syndrome de 1995.

Comme dans le très beau roman de Thomas B. Reverdy, prix Interallié 2018, nous sommes bien entrés dans L’hiver du mécontentement. Au Royaume-Uni en 1978-79, cet hiver fut fatal au gouvernement travailliste de James Callaghan, terrassé par la paralysie sociale, « chienlit » tremplin de l’avènement de la « dame de fer ».
Mais c’est davantage le parallèle avec 1995 qui vient à l’esprit : un gouvernement pourtant fort d’une légitimité électorale massive et récente -l’élection de Jacques Chirac – butte sur la mobilisation sociale et le vif sentiment d’un reniement des promesses électorales, avec en figure de proue un premier ministre « droit dans ses bottes », Alain Juppé.

Edouard Philippe et Matthieu Schlesinger, le maire d’Olivet (Loiret)., lors de la primaire de la droite.

Or il se trouve qu’Édouard Philippe est le disciple préféré du maire de Bordeaux et que, même des rangs des Marcheurs, s’élève depuis quelques jours la critique d’un chef de gouvernement qui a commis la faute de ne pas saisir la proposition salvatrice tendue par Laurent Berger, ce « Grenelle social » par lequel, d’une manière ou d’une autre, il faudra bien passer pour éviter un dangereux pourrissement du conflit.
Sans doute grisé par « l’année heureuse » des réformes passées sans compromis ni négociation avec les corps intermédiaires, le pouvoir exécutif a péché par hubris, cet orgueil démesuré et mortel dénoncé par le maire de Lyon lors de sa démission de la place Beauvau.

« Leurs enfants après eux », retraite en rase campagne

Jean-Paul Delevoye (à gauche) ici avec Xavier Beulin,, l’ancien président de la FNSEA, aujourd’hui disparu.

Comme l’a admis le chef de l’Etat, il a échoué à combler le fossé entre les catégories populaires et les élites, cette incompréhension rendue abyssale par 45 années de désindustrialisation violente.
Or, quelle que soit la lenteur et les modalités de la sortie de crise, ce sont des moments rudes qui s’annoncent pour le gouvernement, d’une campagne européenne désormais très mal engagée à des municipales incertaines, sur fond de défaut d’encrage d’un mouvement jeune privé d’assises locales par l’interdiction du cumul des mandats.
Plus grave encore, après la révision constitutionnelle encalminée par l’affaire Benalla, et un remaniement sans effet palpable sur l’opinion, la réforme des retraites paraît dès à présent se présenter sous les pires auspices.
Et là, après le travail préparatoire mené par Jean-Paul Delevoye, il faudra bien en passer par le dialogue avec les syndicats. À défaut, le pouvoir n’aurait plus le choix qu’entre deux maux mortels au vu de son ADN réformateur: le bras de fer thatchérien jusqu’auboutiste, modèle grève des mineurs de 1984, ou le renoncement, la résignation à l’immobilisme façon second mandat de Chirac.

De Jupiter au « roi fainéant » en moins de deux ans, Emmanuel Macron a assez de mémoire de son compagnonnage intellectuel avec Paul Ricoeur pour savoir que cela reviendrait à se considérer « Soi-même comme un autre ». Très loin du « Parler vrai » de Rocard, très près d’une candidature à sa réélection empêchée. Finir comme Hollande ? Un calvaire pour Macron, loin du 2 décembre d’Austerlitz, un 18 juin de Waterloo.

P.A

Commentaires

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  1. Loin des rois fainéants on pourrait suggérer au Président de s’inspirer de l esprit … d’Eloi et du bon toi Dagobert en remettant sa politique à l endroit!

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