Les Voix de Naplouse : récit d’un voyage en terres palestiniennes

Alors que la cité johannique et son festival « Les Voix d’Orléans » s’apprête à recevoir des étudiants palestiniens du 4 au 6 avril prochain, les étudiants orléanais du master MAP – Métiers de l’Accompagnement Politique – ont pris la plume pour conter leur voyage en février dernier en terres palestiniennes.

Une jeune nabulsi prend la pause dans une ruelle ©Léa Mimault

Samedi 16 février 2019. Le temps est nuageux, le paysage rocailleux. L’allure vive du taxi dévale les routes escarpés qui relient Jérusalem à Naplouse. Après une heure de route, le panneau rouge vif nous indique que nous rentrons en zone A. Une zone sous le contrôle des autorités palestiniennes, qui elle-même est contrôlée par le Tsahal, armée controversée du gouvernement Israélien.

Ville millénaire, Naplouse, se dévoile sous nos yeux. Une ville coupée du monde, enfermée dans une cuve où les antennes relais de l’Etat d’Israël se distinguent à vue d’œil. Une excitation commune se dégage de nos visages. Enfin ! Nous allons pouvoir aller à la rencontre de ces anciens étudiants de l’Institut Français de Naplouse.

Mais avant cela, la nuit tombe, et dans les ruelles plus ou moins éclairées, les dernières silhouettes d’hommes et de femmes encore présentes disparaissent petit à petit.

Notre premier arrêt sera aussi le repère de nos futures nuits : l’Orient Hôtel. Accueillis, confortablement dans une ambiance orientale, où le tapis est roi, nous nous endormons dans un silence, quasi complet..

Quel joie de découvrir au réveil un petit déjeuner où les couleurs et les saveurs se battent en duel. Houmous, légumes, pain traditionnel… Qu’elle semble loin nos habitudes de citoyens européens ! Et n’en déplaise à nos fameuses tartines de confiture et autres boissons chocolatées, le petit déjeuner Nabulsi est exquis !

Quelle joie également d’entendre l’appel à la prière qui résonne dans les hauts parleurs de la Ville. Impossible de ne pas frissonner lorsque le muezzin entonne ces notes qui transperce nos chairs.

Il est 9h, le rendez-vous est pris. A peine descendu de l’hôtel, nous rencontrons ceux qui deviendront nos amis, nos guides, nos voix, dans la deuxième ville de la Cisjordanie.

Ils sont nombreux et affichent un sourire radieux. Haytham, Jacob, Rima, Rand… Ils avaient déjà guidé nos camarades de classe l’année dernière et ont hâte de nous faire découvrir celle qu’on appelle « La petite Damas ».

D’ailleurs, le sourire est partout à Naplouse. Il est dans les ruelles où les vendeurs de fruits et légumes nous regardent d’un air bienveillant et balbutient un « welcome » à notre troupe qui déambule d’un pas léger dans le souk de Naplouse.

Le sourire est présent sur le visage de ce petit garçon de cinq ans tout au plus, qui découpe une carcasse de mouton à la vue des passants. Les mains tachetées de sang, concentré sur ces gestes déjà millimétrés, qui découpe de coups secs la bête pendue par les pieds.

Et enfin, comment évoquer le sourire des Nabulsi sans penser à Maher. Agé d’une petite vingtaine d’années, il fabrique les savons mythique de Nablus dans son petit magasin, qui était autrefois à son grand père. Une tradition qui continue de perdurer et qu’il aime montrer, en toute simplicité.

Au cœur des camps de réfugiés

A chaque heure de notre voyage nous rencontrons un nouveau visage, une nouvelle personne, un nouveau sourire de la ville de Nablus. Toutes, n’ont eu qu’une volonté en nous rencontrant :  nous montrer leur routines et leur amour pour la vie. Les hommes et les femmes qui en étaient le plus dotés sont sûrement les réfugiés, les habitants des camps.

Trois camps entourent la ville de Nablus : New Askar, Old Askar et Balata.  Pourtant, la vie à l’intérieur de ces derniers est bien lointaine de celle que l’on trouve dans les rues de la petite Damas. De nombreux étudiants nabulsi nous accompagnent lors de ces visites et pour certains, c’est la première fois qu’ils foulent le sol des camps. L’étonnement se lit sur leurs visages attentifs.

New Askar, le camp le plus récent est le premier dans lequel nous nous rendons. Accueillis par les membres de l’association Keffiyeh, ils nous font part de leurs rêves, de leurs espoirs et de leur sourire. Un groupe de garçons jouent devant nous avec un ballon de foot dégonflé, tandis que des petites filles nous disent bonjour de leur fenêtre. Les rires résonnent entre les murs du camp.

Sous le soleil palestinien, le président de l’association, Mohammad K Bushkar nous délivre des bribes de sa vie. Sincère, puissant, lucide, en fumant sa cigarette, son discours restera un des moments les plus fort de notre séjour. Attentifs, devant les tombes des martyrs du camp, nous sentons que ses mots sont mesurés et que les émotions nous transpercent en plein cœur.

Les Voix de Naplouse

Fin du voyage il est l’heure du bilan. Naplouse, Nablus, la petite Damas nous manquera inévitablement. Des voix régissent la vie de la ville et la font vibrer, voici quatre portraits :

Ali Hasneen

Joueur et fabricant de oud, Ali s’est installé à Naplouse il y a quelques années. Sa fabrique est un lieu fabuleux de passage. Tous les jeudis soir, sa porte est ouverte à tous ceux qui veulent passer un moment de musique et de légèreté. Des personnes entrent et sortent pour prendre un oud ou un kanoun afin de partager un moment simple et chaleureux. Il nous a d’ailleurs fait l’honneur d’inviter un conteur de la ville qui a pu nous conter des histoires accompagné de la douce musique d’Ali.

Jamal Tirawi

Député du Fatah, Jamal Tirawi se bat pour les siens. Enfant de Balata, un des camps de réfugiés, il connait les difficultés des personnes qui l’entourent. C’est une voix différente des autres, plus politique. Il nous a accordé deux heures précieuses de son temps pour répondre à toutes nos questions et nous a donné une mission : celle de partager ce que l’on a vu, ce que l’on a appris au plus grand nombre. Celle de faire porter sa voix et son message à travers le monde.

Ameer AlShareef

Muezzin de la ville, Ameer chante l’appel à la prière plusieurs fois par jour. Sa voix est diffusée à travers les plus de 300 mosquées aux alentours. Quel bonheur d’entendre une voix si pure qui résonne dans tous les hauts parleurs et qui fait écho jusque dans les montagnes. Sa voix, calme, pure, rythme les journées des palestiniens et notamment celle de la petite Damas.

La voix des femmes reste primordiale dans la ville. La part de ces femmes à l’Université est bien plus grande que celle des hommes. Leur voix sait se faire entendre, de par leurs études, leurs rêves, leur personnalité. Chaque femme que nous avons rencontré avait sa propre voix qu’elle avait à cœur de partager. Nous avons pu discuter et approfondir quelques sujets tels que leur place, leurs droits, l’information… Sujets sur lesquels nous pourrons échanger lors du festival « Les Voix d’Orléans ».

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