“Dheepan”, étranges étrangers…

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La dernière palme d’or cannoise a un mérite incontournable, celui de donner un visage, une humanité à ces réfugié(e)s qui hantent notre peur collective de l’étranger. Le Sri Lanka et ses Tigres Tamouls, c’est une guerre civile peu connue et bien loin de l’Europe, qui a duré vingt cinq ans, avant de voir la “victoire” du gouvernement cingalais majoritaire sur une guérilla indépendantiste, classée comme organisation terroriste.

Alors tenter de décrire ce que vivent des rescapé(e)s d’une guerre forcément  riche en atrocités, dans la fuite et l’exil comme demandeurs d’asile en Europe, trouve aujourd’hui toute son actualité ! La fiction cinématographique a ceci  d’incontournable qu’elle nous  fait partager le destin de ses personnages, et Jacques Audiard y parvient remarquablement en nous racontant l’histoire de cette fausse famille de réfugiés, débarquant dans une cité de banlieue en proie à un trafic de drogue que la femme découvre de sa fenêtre de loge de gardien d’immeuble, en s’exclamant “on se croirait au cinéma !”. Car le film fabrique bien du réel dans l’inconnu de cet itinéraire, et finalement peu importe que les personnages soient joués par des acteurs non-professionnels, ce qui nous touche c’est cette problématique que nous parcourons avec eux entre survie individuelle et intégration collective, entre le hasard et la nécessité que met en scène cette fiction, qui ne juge pas, pas plus la fraude à l’immigration que ce dealer qui “fait ce boulot sans l’avoir choisi”. 

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Alors, n’en déplaise à certains détracteurs bien pensants du film, qui lui reprochent ou une vision “négative” de la banlieue ou un plaidoyer pour la famille ( ? les Inrocks), Jacques Audiard a réussi, en prenant le risque de diriger des acteurs dont il ne comprend pas la langue, à donner une existence, on pourrait dire un droit à l’image à ces réfugiés, à cette humanité clandestine, quand bien même la fin, où l’ancien Tigre se mue en un Rambo à la machette défendant son territoire, peut nous sembler quelque peu excessive, mais après tout le cinéma c’est aussi ça !

Gérard Poitou

“Dheepan” un film de Jacques Audiard   1 h 54

avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby

   

 

Commentaires

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  1. Ce qui me paraît très contestable dans ce film, au demeurant fort bien réalisé :
    1) présenter la cité comme une zone de guerre que les habitants “normaux” ont fui et où les forces de l’ordre ne mettent jamais les pieds ;
    2) présenter la France comme un enfer pour les migrants et l’Angleterre comme un paradis.

    Pour avoir vu Mia Madre cet été (il sortira début décembre sur les écrans français), ce film de l’italien Nanni Moretti, reparti bredouille de Cannes, se situe bien au-dessus de Dheepan d’un point de vue cinématographique.

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