Projection d’encres au cinéma des Carmes

« Mais pourquoi font-ils cela ? ». Question récurrente, mélange explosif d’incompréhension, de répulsion latente et d’envie inassouvie, générée parfois par quelques réactions irraisonnées, quasi épidermiques. Et totalement dans le sujet quand il s’agit de tatouages, et de tatoués. De ceux qui le sont par besoin profond, quasi philosophique et spirituel, et de ceux qui portent un tatouage comme d’autres portent un jean, pour être dans une norme médiatique ou tribale.

Cette question, parmi bien d’autres, étaient au cœur du débat qui suivait ce vendredi 15 janvier la projection de 2 films consacrés aux tatouages au cinéma des Carmes. Deux films pour une séance unique, faute de visas permanents, qui réunissait un public disparate mais curieux et de qualité, peu composé de « tatoués » déclarés, à l’exception de l’un des intervenants, le journaliste et réalisateur Pascal Bagot, d’un trentenaire pertinent, et d’un tatoueur de Bourges, initiateur de la première convention de tatoueurs dans la capitale berrichonne, voilà 30 ans. Un militant de la vieille école, peu amène avec les « MacDo » du tatouage, et membre de l’association Tatouage-Partage présidée par l’un des « maîtres » du tatouage mondial, le français Stéphane Chaudesaigues…

Soirée débat aux Carmes

Soirée débat aux Carmes

Car tout est parti de là. De l’initiative de ce dernier de revenir dans le village de ses ancêtres, la petite station thermale de Chaudes-Aigues, dans le Cantal, pour apporter aux quelques centaines d’habitants habitués à la tranquillité des montagnes auvergnates et à la douceur de leurs eaux les plus chaudes d’Europe un festival mondial du tatouage promis à réunir plusieurs milliers d’amateurs pendant le premier week-end du mois de juillet 2013. 5000 étaient attendus, 8000 arrivèrent, pour un séjour sans incidents, immortalisé par la caméra de deux orléanais, Claude Boulay et Fabien Morizot, membres de l’université du temps libre, et auteurs du documentaire qui ouvrait cette soirée.

« Tatouage au village », soit 28 minutes conservées sur des heures d’enregistrements, d’interviews, de plans génériques et d’images spectaculaires pour témoigner, sans juger, d’un monde étranger au commun des mortels, et notamment des habitants de ce village. Un monde qui intrigue, qui interpelle, qui réveille parfois quelques peurs, générées justement par la méconnaissance du sujet, mais qui ne laisse jamais insensible. Et qui apportent beaucoup de réponses, tout comme le second film projeté en suivant, d’une durée d’une heure dix, entièrement tourné au Japon, qui nous fait vivre le monde des tatoueurs traditionnels, œuvrant à la main, et des tatoués, véritables œuvres vivantes…dont le réalisateur lui-même, fil conducteur de ce documentaire, espère un jour faire partie. Pascal Bagot se rend chaque année au Japon pour continuer la réalisation d’un tatouage richement élaboré qui lui couvre tout le dos !

Tatouage au village

Tatouage au village

Mais pourquoi font-ils cela ? Les motivations semblent bien diverses, de l’expression de soi à la recherche d’une plénitude artistique, de la volonté de poursuivre une pratique ancestrale au simple souci de satisfaire un désir. Mais très peu, actuellement, revendiquent le choix de s’affirmer comme un « bad-boy », à l’image des membres des Yakuzas (au Japon), des légionnaires ou des bagnards de Cayenne. « …On peut affirmer que l’un des 4 derniers présidents de la République française est tatoué, tout comme un ancien ministre. Comme Roosevelt ou Churchill… ou comme Catherine Deneuve… », affirme Claude Boulay.

Avec Fabien Morizot, ils savent tous les deux pourquoi ils ont fait ce documentaire. Pour témoigner et pour apporter un message de tolérance, d’acceptation de la différence, pour combattre le rejet de l’autre, la condamnation sans appel et sans volonté d’en savoir plus.

Une démarche qui mériterait une autre projection, un autre débat devant un public plus important, juste pour l’enrichissement de nos connaissances de l’autre. Mais un public qui oublierait aussi, comme pour cette fois, de leur poser une question somme toute bien incongrue : « Et vous, êtes-vous tatoué ?».

Car le tatouage est avant tout un choix personnel, propre à l’intime de chacun. Et qui fait pourtant couler beaucoup d’encres…

Jean-Luc Bouland

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