Pierre Berthelier, polytechnicien, économiste du développement, vient de publier un important essai sur cinq siècles d’histoire sociale et économique à Bourges. Un guide indispensable dans le passé pour comprendre le présent.
Evidemment il y a eu le Duc Jean de Berry. Mais il y a eu aussi la grande peste. Bien sûr il y a eu Charles VII qui a fui Paris et est venu se réfugier à l’âge de 15 ans à Bourges. Il y a eu Jacques Cœur, son Grand Argentier, autrement dit son « fournisseur de la Cour en biens de luxe (…) Un affairiste plus qu’un homme d’affaire »… Il y a eu aussi Louis XI qui « jeta les bases de l’Université de Bourges en 1463, pour faire contrepoids à celle de Paris ». Avant que ce roi ne divorce avec la ville.
Sa fille, Jeanne de France, difforme et boiteuse, la pauvre répudiée « épouse mystique du Christ » viendra bien créer à Bourges « l’Annonciade », mais Sœur Jeanne Marienne aura trop peu d’écus dans sa besace pour renflouer les bourses de la cité qui devra, grâce à elle, se contenter de devenir « la ville la plus chrétienne du Royaume ».
Les rois suivants et la Cour à leurs basques vont bouder Bourges qui va se trouver toutefois dans de beaux draps jusqu’à l’incendie de 1487.
Les guerres de religions vont écharper le Berry avant que ce bon Sully, ministre préféré d’Henri IV ne vienne donner un coup de fouet, hélas trop éphémère, à l’économie du coin. Et puis il y a eu le « Grand Condé », le Prince félon, et la fronde…
Sous Louis XIV, l’ombre portée de Colbert –« un esprit pesant, né principalement pour les calculs » dira de lui l’abbé de Choisy, un faux capucin sans vergogne qui en fera de belles au château de Vouzay – ne sera pas vraiment favorable au Berry. « L’affaire des dentelles du « Point de France », illustre bien les faiblesses de la stratégie autoritaire de Colbert, qui était inadaptée à une Province telle que le Berry ». Sonne le temps de la noblesse de cloches qui n’a apporté « que des diversités d’opinion et des irrésolutions ».
Bref ! Le Berry va devenir « une terre de placement » et somme toute « assez calme durant le règne de Louis XIV ». La paysannerie va alors subir « la pression prédatrice des grands propriétaires agricoles », l’industrie à Bourges végéter…
Vue de Bourges au XVIIe siècle
La timidité de ce bel orphelin qu’est Louis XV va livrer le Berry aux caprices de la Cour. Bourges devient une terre d’exil. Bourges va passer en lévitation la Révolution de 1789. Mais « La croissance de la ville fut très vive au XIX ème siècle »…
Ce sont quelques notes extraites de l’étude très fouillée de Pierre Berthelier, lui-même économiste, qui a mobilisé pour ce faire, bon nombre d’experts qui s’étaient penchés avant lui, d’une façon ou d’une autre, sur la santé sociale et économique de la ville.
Sur 360 pages, il balaye minutieusement cinq siècles d’une ville « à l’ombre de Paris » la soumettant à une autopsie minutieuse lui permettant de dégager « les cinq grands cycles politico-économiques qui sont révélés par la dynamique de la population de Bourges » indépendamment des cycles nationaux.
Il en conclue que « l’essor industriel remarquable de la ville au cours du XIX ème et du XX ème siècle de la ville a montré que le déclin n’était pas une fatalité…» Son ultime image renvoie aux régiments berrichons placés par Napoléon en première ligne, « car réticents pour avancer trop vite au pas de charge »…Mais que rien ne pouvait les faire reculer.
Ce polytechnicien « berrichon de cœur » s’autorise à croire en la renaissance d’une confiance dans cette contrée à condition que « les élus du Berry cessent de s’affronter sur des combats rhétoriques et utilisent leurs réseaux pour accompagner des projets mobilisateurs ». Belle envolée d’espérance…Mais ça mon bon monsieur Berthelier, c’est une autre histoire.
Patrick Martinat.
Pierre Berthelier dédicacera son ouvrage Bourges à l’ombre de Paris (Editions L’Harmattan, 32€) le samedi 21 mai à La Poterne de 15h à 18h.