
Le spectacle commence par un cri: “Jésus Marie”, unique propos verbalisé qui sera répété de loin en loin sous différentes formes durant les vingt minutes de projection, propos qui ne manque pas d’interroger sur le caractère universaliste du titre: “Jeanne, visages universels”.
Mettre en valeur la dimension universelle de l’épopée de Jeanne d’Arc, pourquoi pas, encore faudrait-il faire des choix, structurer un propos autour du personnage historique, mais surtout ne pas confondre universalité avec une sorte de “plus petit dénominateur culturel commun”, pour nous servir cette soupe consensuelle, insipide et rassurante où l’on bannit toute originalité qui pourrait donner justement un sens contemporain à notre histoire collective.
Certes, la projection possède une puissance évocatrice dont le chatoiement des couleurs ne manque pas de séduire les nombreux spectateurs, venus souvent en famille, devant l’imposant édifice de la cathédrale, mais le montage sophistiqué des huit tableaux qui composent la projection, ne donne pas sens à cette “invitation au voyage” qui promène le visage de Jeanne, entre Broadway et le Kremlin (curieuse vision de l’universalité), dans une iconographie d’une banalité affligeante, brouillamini de clichés d’une sous-culture touristique mondialisée, où l’universalité mélange allègrement les époques et les origines dans un melting-pot qui confine à l’insignifiance.
Quant à la bande son, c’est le catalogue des stéréotypes les plus éculés des morceaux de la musique pompeuse, on trouve de tout dans cette bande son, de Henry Purcell (que vient faire le “King Arthur” ici ?), à Carmina Burana en passant par Leonard Bernstein, et encore même pas les œuvres originales de ces compositeurs, mais des adaptations “à la manière de”, sans doute pour réduire les coûts de diffusion… il n’y manque que “la marche des esclaves” d’Aïda et la Chevauchée des Walkiries !
J’ignore le budget alloué à l’artiste de réputation internationale, Xavier de Richemont, pour cette grandiose réalisation, mais pourquoi ne pas avoir proposé tout simplement à un compositeur local, Orléans n’en manque pas, de nous proposer sa “vision” contemporaine d’une composition musicale qui inscrirait le mythe johannique dans une actualité innovante et originale ?
Quant aux visages de Jeanne, aurait-on déjà oublié la vaste compilation des 600 visages de Jeanne, réalisée par l’association l’Art O Contemporain en 2012, compilation qui mêlait artistiquement des dessins d’enfant à des œuvres d’artistes contemporains de renom, source ô combien plus riche d’images de Jeanne, plutôt que ces icônes compassées de Jeanne d’Arc projetées ici…
Dommage que ce son et lumière qui fait de la façade de la cathédrale un superbe écran coloré attirant un large public, soit finalement aussi insipide…
Et finalement, la magnificence de cette façade de la cathédrale Sainte Croix, éclairée tout simplement d’un rayon de soleil couchant, n’est-ce pas la plus belle façon de la contempler ?..
Gérard Poitou
Jeanne, visages universels
Projection du son et lumière sur la Cathédrale Sainte-Croix d’Orléans
Du 27 mai au 2 juillet et du 2 au 24 septembre inclus : (hors vacances scolaires) vendredi et samedi
Du 7 juillet au 27 août inclus : (vacances scolaires) jeudi, vendredi et samedi
Séance supplémentaire le dimanche 14 août
Horaires de projection :
Du 27 mai au 14 août inclus : à 23h et à 23h30
Du 18 août au 24 septembre inclus : ( durée : environ 20 min) à 22h30 et à 23h
http://www.orleans-agglo.fr/127-6205/fiche/jeanne-visages-universels.htm
PS. Pour illustrer cette universalité, une chorale entonne certains soirs des chants religieux…