Malades de la peste

Gérard Hocmard

Par Gérard Hocmard

Pourquoi Daech aurait-il besoin d’un territoire puisqu’il est parmi nous et qu’il va falloir hélas nous habituer à vivre avec le virus ? Ces tristes pensées que ne parvient pas à dissiper le plein soleil de l’été font remonter en mémoire Les Animaux malades de la peste et le bal des faux-culs que La Fontaine y met en scène.

Tout y est. Il y a le mal « que le ciel inventa pour punir les crimes de la terre », faisant immanquablement penser à la rhétorique des fous de Dieu qui se croient chargés de châtier la société corrompue dont ils apprécient malgré tout le RSA et le système de santé. Il y a la solennité empêtrée du discours du roi et son espoir de voir le mal s’arrêter par un geste expiatoire à dimension historique (« l’Histoire nous apprend qu’en de tels accidents, on fait de pareils dévouements »). Il y a même de la part du monarque un théâtral examen de conscience « sans indulgence » qui vise à amener la cour à se récrier devant son courage et à louer sa gouvernance, pour l’exonérer au final de toute responsabilité. On ne risque plus d’apprendre cette fable à l’école, « modernisation » de l’enseignement et recalibrage de la culture générale oblige, mais c’est bien dommage.

"Haro sur le baudet !, crie Robert Redeker", comme dans la fable de La Fontaine. Illustration des "Animaux malades de la peste", par Grandville.

Illustration des “Animaux malades de la peste”, par Grandville.

On ne risque plus guère non plus d’étudier les guerres de religion du XVIe siècle, qui auraient le mérite de faire réfléchir à l’engrenage de la violence où veulent justement nous entraîner les terroristes en cherchant à faire que le mouton s’enrage. C’est bien dommage là encore, mais Mme Vallaud-Belkacem entend dépoussiérer l’Histoire, qui est d’ailleurs censée ne pas « repasser les plats ».

En attendant, la cérémonie de Notre-Dame, toute respectable et juste qu’elle soit en tant que geste solennel posé par les représentants de la nation, paraît tout de même assez croquignolette quand on connaît les convictions de la majorité du gouvernement et sa défense farouche d’une laïcité comprise dans le sens le plus étroit du terme. Celle qui l’a amené à faire charger des manifestants venus en famille à la « Manif pour tous » ou à jeter dans un cul de basse-fosse quelques « veilleurs » censés troubler l’ordre public en venant prier ou réciter des poèmes place Vendôme sous les fenêtres de Mme Taubira, alors qu’ils auraient pu par exemple choisir d’aller dégueulasser sur sa place la statue de la République et en mettre à sac les alentours sans que l’on considère vraiment troublé autre que marginalement ledit ordre public.

Mais attention, il n’est pas question pour autant d’autoriser les « marches blanches » ou les témoignages collectifs d’indignation. « Je suis Charlie » oui, « je suis Hamel ou Killian » (le petit Tunisien de 4 ans victime de ses prétendus frères) non. Nous ne saurions prendre assez de précautions alors que nous sommes en état d’urgence…

Gérard Hocmard

Commentaires

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  1. Toujours aussi ambiguë sur le fond et sans grand intérêt sur la forme ! L’occasion pour “l’auteur” de montrer qu’il a des Lettres, en en profitant pour faire passer ses idées les plus conservatrices, comme celles de la “manif pour tous”…

  2. J’apprécie souvent les propos de Gérard Hocmard.
    Mais je me dois de lui signaler qu’il est encore parfaitement possible de lire,d’étudier, d’apprendre… Les Animaux malades de la Peste et bien d’autres fables de La Fontaine. Il est exact que l’étude systématique des fables ne forme plus une étape obligée d’un parcours chronologique programmé, mais elles n’ont disparu ni des anthologies, ni des manuels, ni des annales, ni des pratiques professorales. On trouvera facilement nombre d’élèves qui ne connaissent pas les Animaux malades de la Peste mais il est faux de prétendre que par souci de modernité on a banni La Fontaine.
    Quant aux guerres de religion du XVI ème, j’ignore au programme de quelle classe elles sont abordées en cours d’histoire… mais comme elles sont à l’horizon ou à l’origine de certaines pages de Montaigne, de Ronsard, d’Agrippa d’Aubigné, il en est bien sûr question dès qu’on étudie de tels textes.
    Que ces lectures formatrices ou ces regards sur l’Histoire suffisent à nous garantir de cette peste qu’est le fanatisme religieux, voilà une illusion que je me garderai bien d’entretenir. Mais je n’entretiendrai pas non plus l’idée qu’on n’apprendrait plus rien à l’école ou que les repères culturels chers à Gérard Hocmard comme à moi-même ont été systématiquement effacés.
    Il n’est pas plus nécessaire de crier haro sur le baudet… que sur la ministre!

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