Lors de la finale de l’Euro 2016 qui opposa les équipes de foot de France et de Portugal, comme partout en France on a pu mesurer en Centre-Val-de-Loire l’importance de la colonie. Dans les cafés et de nombreuses maisons cela s’entendait aux cris de joie poussés à chaque but portugais auxquels se joignaient des hurrahs français. Des Portugais bien intégrés dont le dont le cœur battait aussi pour l’équipe de France. D’un pays à l’autre les cœurs viraient de bord pour s’abîmer avec délice dans la fraternité des footeux.
Une adoption et une intégration réussies
Une livre marque « les 100 d’histoire des Portugais en France ». C’est un bel ouvrage qui s’ouvre sur une très touchante tribune « Tu t’appelais Manuel Dias et tu étais mon père » par Michaël fils de Manuel, victime de l’attentat du 13 novembre au stade de France, Manuel qui aimait le foot, « né au Portugal mais ayant choisi la France comme pays d’adoption et preuve incarnée que l’intégration était possible ».
L’auteur, Marie-Christine Volovitch-Tavares, agrégée d’histoire, retrace l’histoire de l’immigration des Portugais en France. Ils n’étaient qu’un millier avant 1914, ils sont un million en 2016 ce qui fait d’eux la première communauté d’origine étrangère des grandes immigrations européennes du XXème siècle.Des liens très profonds se sont noués entre les deux pays au cours de la première guerre mondiale lorsque en 1916 la Portugal a envoyé en France 56 500 soldats qui gagnèrent immédiatement le front. Démobilisés une partie d’entre eux resta dans l’Hexagone vite rejoints par leurs familles et des compatriotes. La route vers la France s’était ouverte, elle ne s’est pas refermée.
Entre 1916 et la fin des années soixante-dix, des époques d’arrivées massives concentrées sur peu d’années, succèdent des périodes de départs importants ou de stagnation. A deux grandes ” vagues ” d’immigration portugaise des années vingt et soixante, s’opposent les reculs importants des années trente et quarante. Dès le début, des entrées illégales de travailleurs portugais sont repérées. En effet, alors que les gouvernements français sont demandeurs depuis 1919 d’un accord de main d’œuvre (semblable à ceux signés avec d’autres gouvernements européens), les différents gouvernements portugais s’y refusent, cherchant à freiner les départs. Des réseaux clandestins (déjà est-on tenté de penser) permettront durant les années vingt aux candidats à l’émigration de gagner la France par les voies, terrestres les plus diverses.
Le coup d’état militaire de mai 1926, qui installa jusqu’au 25 avril 1974 au Portugal une longue dictature conduisit en France une partie des exilés politiques portugais. Ces exilés républicains, appartenaient à toutes les tendances de la gauche et de l’extrême gauche portugaise (libéraux, socialistes, syndicalistes, anarchistes ou communistes), et leurs origines sociales et professionnelles étaient diverses. La défaite républicaine espagnole amena en France des combattants portugais qui partagèrent les aléas de l’accueil des combattants républicains. Certains restèrent en France, participant aux luttes de la Résistance et de la Libération, d’autres repartirent vers d’autres exils.
Hommage au consul Sousa Mendes
Un chapitre est consacré, à juste titre, à l’action en 1940 du consul portugais de Bordeaux, Sousa Mendes, qui en délivrant de nombreux passeports portugais contre l’avis de son gouvernement (dont il eut à subir les sanctions), réussit à sauver la vie de nombreux juifs.
Des liens indéfectibles
Les années 1962-66 connurent un essor spectaculaire des émigrés portugais. A partir de ces années-là et jusqu’aux années quatre-vingt, la France devint leur première destination. En six ans leur nombre avait été multiplié par dix : en 1968 on dénombrait 500 000 Portugais en France. En 1969 et 1970, chaque année, il est entré 80 000 travailleurs (hommes et femmes), et 120 000 personnes si l’on compte les membres de leur famille. En une décennie, le nombre de Portugais en France était passé de 50 000 à plus de 700 000. A partir de 1971, le nombre d’entrées de Portugais diminua de façon importante et se poursuivit de façon plus modeste jusqu’à nos jours.
Les immigrés portugais – hommes et femmes – venaient surtout des districts situés au nord du Tage. Ces provinces étaient traditionnellement les régions de grande émigration et le demeurent. Ceux qui partaient étaient très majoritairement issus de familles paysannes dont les propriétés minuscules n’assuraient pas la survie de tous, auxquels se joignaient des journaliers agricoles fuyant le chômage endémique et des artisans de village aux maigres ressources.
Aujourd’hui, les Portugais de France, ancrés dans la société française tissent des liens avec celle -ci à travers une multiplicité de voies économiques, sociales, civiques et culturelles dans un va-et-vient permanent entre ici-et-là-bas.
F.C.
« 100 ans d’histoire des Portugais en France »
Marie-Christine Volovitch-Tavares Michel Lafon (beaux livre)
192 pages ; 29,95 euros