Ce week-end, le Centre Pompidou célèbre son 40ème anniversaire en le partageant avec 40 villes, 75 lieux partenaires, 50 expositions et 15 spectacles. Son président, Serge Lasvignes, a voulu qu’il soit placé sous le signe du territoire et de l’échange. Un Centre Pompidou que l’ancienne directrice du FRAC d’Orléans Marie-Ange Brayer avait rejoint en mai 2014, comme Conservatrice en chef du service prospective et recherche au département architecture et design.
Interview de Serge Lasvignes son président
Mag’Centre : Quelle fête pour ce quarantième anniversaire ?
Serge Lasvignes :J’ai souhaité que ce 40ème anniversaire soit la fête de la création artistique partout en France, qu’il témoigne de la vitalité des institutions culturelles qui partagent l’esprit du Centre Pompidou, qu’il permette de célébrer les liens noués avec les artistes, les musées, les centres d’art, les scènes, les festivals, qu’il soit l’occasion de développer et d’enrichir une longue histoire de projets communs au service de l’art et de la création.
Je n’ai pas souhaité une autocélébration avec une soirée pour happy few et peoples, mais une manifestation décentrée, une fête de la création artistique populaire avec toutes les institutions amies, ce maillage culturel français si précieux. Le Centre Pompidou a bâti l’une des plus importantes collections d’art moderne et contemporain au monde, présenté 325 expositions, proposé des cycles, des débats, des festivals, cela mérite qu’on le souligne.
Pourquoi donner un éclat particulier à ce quarantième anniversaire ? Est-il plus important que ceux qui l’ont précédé ?
Quarante ans est l’âge de la maîtrise et de l’action, un bel âge lorsqu’on sait s’ouvrir grand sur ce qui advient et partager l’expérience et la force acquises. Ces quarante ans confirment le bienfondé de la création du Centre Pompidou. A tous égards, dans l’approche de la culture, il a marqué une rupture brutale avec le passé. Le plus drôle, si l’on peut dire, est qu’il fut initié par un homme de droite, alors que la gauche de l’époque y était violemment opposée. Georges Pompidou, homme très cultivé, avait noté que la France en pleine modernisation économique persistait dans son conservatisme culturel. Il y avait là un décalage dont 1968 fut l’expression. Georges Pompidou s’est très tôt pris de passion pour l’art plastique et il avait le goût de l’avenir et de la modernisation.
La rupture fut violente, marquée par le choix des architectes, de l’architecture du Centre qui a, en le disant de façon triviale, « les tripes à l’air » (sa machinerie) et le choix de son premier dirigeant, un Suédois, par la façon thématique de présenter les œuvres, d’être ouvert à toutes les cultures. La mise en service du Centre Pompidou a aussi correspondu à la découverte par le grand public de l’art moderne et contemporain comme loisir culturel. Quarante ans c’est aussi un bel âge pour relever des défis.
Quels sont ces défis ?
C’est donner accès à la culture et permettre de la redécouvrir sans cesse. Montrer Magritte aujourd’hui, lui que tout le monde croit connaître, c’est montrer comment il peut être revu sous d’autres éclairages. Le Centre est là pour présenter la culture sans impressionner, donner envie d’entrer et permettre de s’y sentir libre. A la bibliothèque qui accueille 1 200 000 visiteurs par an, j’entends le jeune dire « On se sent libre et en même temps on a envie de travailler ». Dans les expositions, je vois des gens qui se promènent, bavardent, ce n’est pas grave, c’est cet esprit-là qu’il faut cultiver.
Le défi pour nous est, aussi, de savoir reconnaître les nouvelles formes de la modernité dans un monde polycentrique où de nouvelles scènes artistiques éclosent et se développent et d’en rester un acteur. Il faut aussi stimuler de nouvelles démarches créatrices alors que les passerelles se multiplient entre la science et la technique et contenter les attentes du public confronté à une offre de plus en plus multiple. Nous avons également l’ardente obligation de nous rapprocher du public qui ne vient pas spontanément.
Georges Pompidou était un adepte de l’interdisciplinarité. Allez-vous continuer à faire de l’interdisciplinaire ?
Pompidou était fier de rassembler en un même lieu, bibliothèque, musée et musique de l’Ircam structure riche et complexe, à la fois centre de recherche et de production. Nous sommes restés dans cet état d’esprit avec, par exemple, l’exposition sur la Beat Generation. Ce fut aussi le cas en collaboration avec L’Ircam pour l’Art Pauvre où se mêlaient œuvres et musiques.
J’ai la volonté de faire du pluridisciplinaire, on va progresser dans ce sens, les artistes d’aujourd’hui sont pluridisciplinaires, ils ne s’en tiennent pas qu’à un seul média. L’originalité du Centre est sa capacité à se nourrir des questions actuelles. Par exemple, nous avons ouvert l’exposition Magritte à la philosophie. Je suis persuadé que l’avenir réside dans le décloisonnement. Nous voulons rester le capteur sensible de l’art en train de sans cesse se réinventer, dans toutes ses dimensions, plastiques, musicales ou chorégraphiques.
Nous ne nous bornons pas à présenter nos collections permanentes, nous avons une économie de spectacles vivants. 70% des gens qui viennent sont déjà venus une fois dans l’année. Ils ne sont pas des touristes et plus de 3,3 millions de personnes nous ont rendu visite en 2016 soit 9% de plus qu’en 2015. Le public pourra profiter du centre tout le week-end de 11h à 2h du matin et ce sera gratuit pour tous.
Vous n’hésitez pas à prêter des œuvres à d’autres établissements, vous possédez une antenne à Metz, deux autres à Malaga et Shangaï, en 2020 s’en ouvrira une autre à Bruxelles. Tout cela demande un budget conséquent. Comment l’alimentez-vous ?
Nous sommes un référence mondiale et cela à un coût. Nôtre modèle économique demande à être revu. Nos subventions ont diminuées de 10 millions en dix ans. Nous nous efforçons d’accroître la billetterie et plus de 50% de nos acquisitions sont réalisées avec l’aide de la société des amis de Beaubourg mais nous faisons appel au mécénat et nous souhaitons l’augmenter. Nous entendons développer un mécénat participatif où le mécène ne se contente pas de payer mais avec lequel on établit un projet commun.
Vous ne venez pas du monde des arts et lorsque vous avez été nommé celui-ci a manifesté son inquiétude. Est-ce compliqué de diriger une maison que les Parisiens appellent Beaubourg en faisant allusion à sa territorialité et que le monde entier désigne comme le Centre Pompidou ?
Je suis à la fois un administrateur et un animateur. Cela me rappelle mon expérience de secrétaire général du gouvernement. Mon expérience interministérielle m’a beaucoup servi et me sert toujours.
Recueilli par Françoise Cariès
Le Centre Pompidou dans notre région
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