Onze candidats sont sur la ligne de départ mais, à treize jours du premier tour quatre se détachent. Alors que la campagne officielle, qui va se poursuivre jusqu’au vendredi 21 avril minuit, débute aujourd’hui, Marine Le Pen (FN), Emmanuel Macron (En Marche), Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) et François Fillon (LR) font la course en tête.
Tous les instituts de sondages dont chacun est libre de mettre la fiabilité en cause envisagent de voir ces quatre concurrents recueillir autour de 20% des voix le 23 avril au soir du premier tour de scrutin. Qui au début du mois de mars se serait risqué à un tel pronostic ? Encore une surprise de cette campagne présidentielle 2017 qui ne ressemble à aucune autre.
Mélenchon coiffe Fillon
Pour l’heure un chiffre interpelle qui relance l’incertitude sinon l’intérêt : avec 18% des intentions de vote le candidat de la France insoumise double le grand vainqueur de la primaire de la droite et du centre. Porté par une dynamique qu’il a su créer et animer entre le début mars et maintenant, Jean-Luc Mélenchon a progressé de six points dans les intentions de vote, passant de 12% à 18%. Il devance François Fillon qui reste stable à 17%. À l’inverse, la présidente du FN et le candidat d’En Marche baissent tous les deux de deux points et restent à égalité à 24%.
L’essentiel des gains enregistrés par Jean-Luc Mélenchon résulte du siphonage des voix de Benoît Hamon (PS) qui, à 9%, demeure enkysté sous la barre des 10%, ce qui, il y a peu encore était impensable pour un candidat du parti socialiste. Avec ses talents de tribun, son ton de professeur expérimenté, l’homme de la France insoumise est parvenu à attirer sinon à convaincre une partie de l’électorat de gauche en rupture avec le quinquennat de François Hollande. 26% des sympathisants socialistes se tournent vers lui. Ils ne sont que 32% derrière Benoît Hamon qui ne parvient pas à conserver ses électeurs naturels.
Fluidité de l’électorat
Brice Teinturier, numéro 2 d’Ipsos, note cette fluidité de l’électorat, « une élasticité classique mais supérieure née d’une incapacité à y voir clair, bien que au fur et à mesure que le vote approche l’indécision diminue ». À la mi-février 50% d’un échantillon de 14.300 personnes interrogées déclaraient être sûres de leur choix, 53% à la mi-février, 64% à ce jour, ce qui laisse encore une grand place à l’indécision.
Les indécis ne se répartissent pas également entre les candidats. En effet Marine Le Pen (76%) et François Fillon (75%) affichent les plus forts taux d’électeurs certains de voter pour eux. À l’inverse, Emmanuel Macron s’appuie sur un électorat friable : seulement un de ses électeurs sur deux se déclare certain d’aller voter pour lui. Cela explique son tassement depuis plusieurs deux ou trois semaines, d’autant plus qu’il fait figure de favori ce qui est loin d’être avantageux. En effet les favoris ont généralement plus de mal à mobiliser que leurs challengers.
François Fillon et ses électeurs cachés ?
S’il est assuré d’une indéfectible fidélité de ses électeurs, François Fillon s’appuie sur une base électorale étriquée. Parviendra-t-il à rallier une partie de l’électorat de droite qui s’est déporté sur d’autres candidats, sur Nicolas Dupont-Aignan en particulier ?
Même si la grande détermination de ses soutiens traditionnels est un atout majeur pour l’ancien Premier ministre, il lui faut convaincre des indécis et d’éventuels abstentionnistes ce qui est loin d’être acquis. Y aurait-il, comme le bruit en court des électeurs cachés de François Fillon, des gens qui se taisent, qui préfèrent ne pas dire ? Brice Teinturier n’y croit pas. « C’est exclu », dit-il, « car en comparant avec 2012, nous retrouvons dans nos échantillons les mêmes catégories d’électeurs. Ils sont plus de 33% chez les 65 ans et plus et tombent à 15% dans toutes les autres tranches d’âge. La côte de popularité de l’homme de la Sarthe a subi un premier accroc lorsque son programme a été connu, on a tendance à l’oublier, puis un second avec le Pénélope gate. Peut-il remonter avec les indices complotistes très dans l’air du temps ? C’est possible mais peu probable. N’oublions pas qu’une présidentielle n’est en rien comparable à une primaire qui s’adresse à la famille et où on est entre soi ».
Vote Le Pen et abstentionnistes
« Le vote Le Pen est-il sous-estimé ?», s’interroge Brice Teinturier qui n’y croit pas pour les mêmes raisons qu’aux électeurs cachés de François Fillon. Le dernier sondage de Kantar Sofres One Point réalisé à partir d’un panel de 1 515 personnes ce dernier dimanche 8 avril dit que « 76% (+1%) des électeurs de marine Le Pen déclarent être sûrs de voter pour cette candidate et 75% (+2%) de ceux de François Fillon se disent également sûrs de leur choix. Les électeurs d’Emmanuel Macron ne le sont qu’à 55%, 61% (+4%) pour Jean-Luc Mélenchon et 48%(+2%) pour Benoît Hamon.
Sur l’ensemble des personnes interrogées 80% (+1%) se déclarent intéressées par l’élection, 42% beaucoup et 38% assez. Iront-elles jusqu’à mettre leur bulletin dans l’urne ? Combien s’abstiendront ? Seront-elles assez nombreuses pour influer sur le résultat final. Aucun sondeur n’ose se risque à des prévisions dans ce domaine.
Françoise Cariès.