Il suffit d’ouvrir les oreilles pour entendre la perplexité, si ce n’est le désarroi, des électeurs appelés à choisir dans une semaine entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. C’est que pour la seconde fois nous aurons un président élu par défaut, c’est-à-dire mal élu au moment où des défis majeurs sont lancés à la France et à l’Europe.
Par Gérard Hocmard
Précédemment, le pays ne s’était pas prononcé pour Hollande mais contre Sarkozy. Cette fois-ci, Macron sera élu pour faire barrage à Marine Le Pen ou bien celle-ci sera élue par rejet de ce que représente son rival. Compte tenu des abstentions et des votes blancs ou nuls, dont on peut prévoir l’importance, le nom qui sortira des urnes risque d’avoir été le choix d’un électeur potentiel, d’un inscrit sur les listes électorales sur quatre, voire cinq. La dramatisation qui entoure la présentation des enjeux par les états-majors politiques et les médias ne saurait masquer le fait.
Dans le théâtre qu’est devenue le vie politique française avec ses effets spéciaux, ses hologrammes, ses marionnettes, ses scénaristes et la « claque » dont la fonction est d’entraîner les applaudissements, on pense à la phrase célèbre des Mariés de la Tour Eiffel : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur ». À la manière de la bulle sortant de la bouche des personnages de BD, elle pourrait figurer sur les photos officielles des affiches du 2e tour. Les candidats disent tout et son contraire au gré des événements et des interviews. Ils prennent les intentions que leur inspirent leurs idéologies, leurs sentiments ou leurs pulsions pour des projets sans se soucier de faisabilité ni de pédagogie.
Dans l’aventure, il n’y a que des plumes à perdre et c’est bien ce que sentent confusément les électeurs, ce qui les déroute. Quand le personnage pressenti pour devenir président par intérim du FN est retoqué pour avoir tenu des propos négationnistes qui font désordre pour l’image du parti, quand est présenté comme un projet urgent la création d’un statut de Première Dame — comment ça ? nous élisons un couple ? une personne non élue aurait une fonction officielle ? —, on se demande vraiment si l’on ne prend pas l’électeur pour une bille.
Mais ce qui risque également de faire les frais de la présidentielle française après l’alerte grecque et le désastre du Brexit, c’est l’Union européenne. Si Marine Le Pen ne se cache pas de vouloir sa peau et qu’Emmanuel Macron s’en prend d’avance aux pays de l’Est européen, il y a quelque souci à se faire pour le dialogue au sein de l’Union, d’autant qu’il n’est pas sûr que l’Allemagne ait apprécié les propos de son chouchou sur les protégés de son jardin de derrière.
Les pharmacies feraient peut-être bien de relever leurs grilles le lundi 8 au matin et d’avoir stocké le Prozac.
Gérard Hocmard.