Peu s’en souviennent, et pourtant : le 7 août 2015 passait aux forceps du 49-3 la fameuse « loi Macron » dite de croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. L’article 107 stipulait que les cessions de fonds de commerce ne feraient plus l’objet d’une annonce légale payante. Une bonne nouvelle pour les commerçants. Une très mauvaise pour la presse papier, particulièrement les plus petits déjà sous perfusion.
Les trois-quarts de la PQR et PHR (Presse quotidienne régionale et Presse hebdomadaire régionale) vivent en effet de cette aide indirecte à la presse : les annonces judiciaires et légales. Certains titres appuient 80 % de leur chiffre d’affaires dessus. La France fait d’ailleurs figure de dernier des Mohicans en Europe sur le sujet. En 2009, Michel Barnier, nommé commissaire européen chargé du Marché intérieur, domaine où il devait faciliter la circulation des biens et services, avait « sauvé » la tête des médias français en obtenant un sursis de la fameuse gratuité des annonces légales, pour ne pas asphyxier mortellement la presse.
En août 2015, comme tous les mois d’août en France, la plupart des dirigeants de PQR – PHR avaient les doigts de pieds en éventail, entre deux barbecues et verres de rosé. Ensablés sur les plages, ils n’ont pas vu, à ce moment-là le danger : pour la plupart d’entre eux, déjà faibles économiquement et sous perfusion des « AL », cette décision de la loi Macron allait de facto entrainer une perte sèche de plusieurs centaines de milliers d’euros. À la rentrée de septembre, certains groupes en profitèrent pour faire passer quelques licenciements économiques en préventif ; une petite purge avec un alibi en béton : l’article 107 de la loi Macron…
Montés au créneau, les présidents de syndicats de la PHR et PQR ont fini, après un travail de lobbying bien tardif, par obtenir en novembre 2016 le retrait de cet article 107, et tout est rentré dans l’ordre (ou presque), pour l’instant.
Le nouveau Président de la République Emmanuel Macron, et son bras droit le stratège Ismaël Emelien ne cachent pas leur méfiance pour les médias. Les médias, c’est le système. Et le système, il faut s’en affranchir. Images choisies et contrôlées, vidéos Facebook, photographes tenus à distance, journalistes choisis pour les déplacements officiels, parole rare et feutrée, ambiance secrète, tempo maîtrisé… « Confidentialité et discipline » ordonne le nouveau Président à ses ministres. On ne saurait d’ailleurs lui reprocher sur ce point de trancher, un peu, avec ses prédécesseurs : l’hyper énervé Nicolas Sarkozy qui « imposait » le rythme médiatique à une masse de journalistes politiques devenus drogués du système ; ministres gazouillant sur Twitter avec les couacs inhérents aux dérapages rarement contrôlés ; François Hollande et son penchant chronique pour les journalistes – dans tous les sens du terme – avec le résultat catastrophique que l’on sait… Des bêtes de concours.
En revanche, nombre de médias seraient bien avisés, passé l’effet de fascination que produit la nouvelle équipe élyséenne, de ne pas trop s’endormir ce qui va probablement se passer du côté des aides indirectes à la presse, à commencer par les fameuses annonces légales… Car dans sa grande volonté de vouloir casser les codes, libérer les énergies, se débarrasser des carcans et des cloisons franco-françaises qui freinent l’entreprenariat dans le pays, il ne serait pas surprenant que le sujet revienne sur le tapis. Définitivement.
F.Sabourin.