Gouverner par ordonnance suppose une majorité

Le nouveau président de la République veut aller vite et mettre en œuvre la réforme du droit du travail par ordonnance, « pour procéder de manière rapide et efficace » a-t-il précisé lorsqu’il n’était que candidat. À peine nommé, son premier ministre, Édouard Philippe a donné son aval à cette façon de faire tout en précisant que cette méthode n’évacuait pas la discussion parlementaire. Sous les IIIème (1873-1940) et IVème (1946-1958) Républiques le gouvernement pouvait prendre des « décrets-lois » ce qui revenait au même.

La pratique n’est pas nouvelle. Sans remonter à Michel Rocard qui l’a copieusement employée, Nicolas Sarkozy y a eu recours 136 fois et sous le quinquennat de François Hollande les gouvernements qui se sont succédés l’ont utilisée pour mettre en œuvre des mesures techniques visant à simplifier des procédures.

Si, dans le cas, présent le recours aux ordonnances émeut c’est bien que, cette fois, elles serviront à modifier le droit du travail, sujet sensible entre tous. La société, les syndicats et le parlement, du moins ce qui pourrait être l’opposition (Insoumis, Les Républicains, les socialistes non ralliés à la République en Marche) ont le sentiment que le nécessaire débat sur un sujet aussi important pour chaque n’aura pas lieu. L’opposition à un changement jugé à tort ou à raison trop radical  s’accompagne d’un sentiment de frustration et les ordonnances à venir sont vues comme un épouvantail. 

Seul le Parlement légifère sauf si…

Au sommet du droit français se trouve la Constitution à laquelle tous les textes votés doivent être conformes. Elle définit un domaine de la loi qui recouvre la très grande majorité des sujets de politique publique : les régimes de retraite, l’assurance-chômage, l’éducation, les impôts, l’immigration et les conditions d’octroi de la nationalité, la fiscalité des entreprises, les emplois publics, les sanctions pénales, le droit du travail, la  défense nationale… Toute mesure prise sur ces sujets nécessite  une loi votée par les assemblées législatives que sont l’Assemblée et le Sénat. Eux seuls possèdent le pouvoir législatif différent du pouvoir exécutif détenu lui par le gouvernement et le président de la République. Un décret, pris par le pouvoir exécutif, ne peut en aucun cas être contraire à la loi, votée par le pouvoir législatif, qui lui est donc forcément supérieure.

L’article 38 de la Constitution introduit l’ordonnance qui peut être assimilée à un contournement de la règle initiale. Déjà, sous les IIIème (1873-1940 et IVème (1946-1958) Républiques  le gouvernement  pouvait prendre des « décrets-lois » ce qui revenait au même. Avec une ordonnance, le Parlement délègue son pouvoir de légiférer au gouvernement. Ce dernier est donc autorisé à prendre « pendant un délai limité » des mesures qui sont normalement du ressort du Parlement… sans passer par le débat parlementaire lequel permet de discuter, d’amender et de modifier le texte.

Un strict encadrement

Seul le gouvernement peut prendre des ordonnances, et seulement avec l’autorisation préalable des assemblées législatives. Les parlementaires votent pour cela une « loi d’habilitation » pour déléguer  leur pouvoir dans un domaine précis et pour une durée limitée. C’est pourquoi le nouvel exécutif a besoin  que les urnes de juin lui donnent une majorité.

Le président de la République  a seulement le droit de les signer ou pas, pour qu’elles puissent entrer en vigueur. Il peut  et c’est son seul pouvoir bloquer leur mise en application ce que fit François Mitterrand en son temps pour des ordonnances prises par le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac.

Les députés doivent de toute façon valider l’ordonnance pour qu’elle reste valide. Même une fois appliquée, l’ordonnance doit être ratifiée, donc votée, par les députés et les sénateurs pour  devenir une loi. Aussi, le Parlement, fixe-t-il préalablement un délai que le gouvernement doit obligatoirement  respecter pour soumettre  les mesures prises par ordonnance au vote. A défaut, l’ordonnance devient caduque. Il peut arriver que les parlementaires ne la ratifient pas. L’ordonnance  redevient un décret. Elle a donc une valeur inférieure à la loi (qu’elle soit déjà en vigueur ou votée par la suite). Autrement dit, l’Assemblée peut, même une fois l’ordonnance signée et ses mesures appliquées, en annuler les effets.

Pour Emmanuel Macron deux situations peuvent se présenter. Soit il obtient, en juin, une majorité à l’Assemblée nationale qui autorise le gouvernement à prendre les mesures voulues par le chef de l’État par ordonnance, et qui les ratifie ensuite sans opposition. Soit la majorité des députés est hostile aux réformes voulues par l’Élysée, ou aux réformes par ordonnances. Dans ce cas, le président de la République ne pourra pas utiliser cette méthode pour faire passer une quelconque mesure.

F.C.

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. On risque de voir souvent la photo du gouvernement : 6 hommes pour une femme au premier rang, et là-haut, celle dont le visage est à moitié caché, c’est la secrétaire d’état chargée de l’égalité hommes/femmes.
    Ils auraient voulu réaliser une photo sexiste qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement !

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 19°C
    • après midi 33°C
  • samedi
    • matin 20°C
    • après midi 27°C
Copyright © MagCentre 2012-2025