Le sens des proportions

Un succès proportionné

De manière cyclique, les partis victimes, temporaires, de l’effet majoritaire entonnent l’hymne à la justice de l’établissement du scrutin à représentation proportionnelle, immédiatement contredits par les défenseurs  de l’acquis de majorités larges et stables, camps mis d’accord par le chœur centriste de la fameuse “instillation d’une dose de proportionnelle “, standard initié par Francois Mitterrand. Or, la question essentielle est-elle bien là, alors que la seule occurrence de 1986, dans le cadre départemental, avait accouché d’une majorité absolue RPR-UDF, et qu’aujourd’hui le nouvel hémicycle va permettre à tous les leaders et à tous les partis de trouver une tribune accueillante.

Par Pierre Allorant

Une chambre “trouvable”
La santé parlementaire retrouvée ?

On a beaucoup gaussé sur le tic de langage d’Emmanuel Macron, le rassembleur “et en même temps”. Avec ce second tour correctif du raz-de-marée annoncé (comme en 1988 avec Rocard) les électeurs français ont, par défaut, installé une Assemblée nationale civiquement fragilisée par l’abstention majoritaire, mais politiquement confortée par l’alliage d’une majorité absolue incontestée et d’une représentation de toutes les familles politiques françaises, seul le Front national n’atteignant pas le seuil pour former un groupe parlementaire. Même Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassale auront une tribune parlementaire, ce qui retire tout prétexte à transférer les débats hors du champ institutionnel, dans la rue. Les mêmes qui mettent en doute la légitimité de la nouvelle majorité, “mal élue ” au regard de l’abstention, seront demain les principaux et bienvenus orateurs de l’opposition au Palais Bourbon.

La lassitude civique confirmée

Jamais sans doute il n’a été autant question de l’abstention massive, signal d’alarme d’un malaise civique confirmé. Toutefois, la lassitude caniculaire de ce 8e scrutin depuis les primaires de la droite est à relativiser. Certes record, le désamour de la participation électorale s’inscrit dans un cycle long de quinze ans d’érosion, avec pour seules exceptions de sursaut les municipales et les présidentielles, bref les scrutins fortement personnalisés et aisément identifiés, le choix (indirect) du maire et celui du président. On peut regretter la mise sous tutelle présidentielle des législatives, mais à part souhaiter une dissolution à mi-mandat, on voit mal comment éviter cette cannibalisation, ou pour être plus positif, cette mise en cohérence des deux têtes de l’exécutif soutenus par une majorité stable. Cependant, pour que la tendance ne se confirme pas aux prochaines élections européennes et locales, il est urgent de rétablir la confiance dans l’action publique, son efficacité, et la probité de ceux qui la dirigent.

La gauche éclatée, la droite au supplice

lors de sa visite à Ormes en 2012 chez Vergnet (à droite sur la photo).

Delphine Batho

A l’issue de cette longue séquence électorale, le dégagisme a réussi à puissamment recomposé le paysage partisan. Champ de ruines à gauche, champ de mines à droite, la vision des vaincus de la “drôle de guerre” du printemps 2017 est impressionnante. Et des secousses secondaires sont encore attendues : comment faire vivre ensemble durablement, et surtout faire travailler à la reconstruction d’un projet commun, les débris épars du parti d’Epinay, Le Foll et Batho ? A droite, apparemment moins laminée, la difficulté est en réalité semblable, entre les “constructifs” séduits par le jeune attelage exécutif et les fondamentalistes qui, tels les religieux et les “Tea party” du parti républicain américain, de Wauquiez à Ciotti, sont campés sur le traditionalisme et la peur brandie de l’insécurité. Et le supplice chinois va continuer, dès le 21 juin avec le remaniement : la fête de la petite musique gouvernementale amorce l’été avec, dans le rôle des joueurs de flûte de Hamelin, le duo des hypnotiseurs de la droite, les séducteurs de la rive droite.

Le centre de gravité

Au milieu de ce paysage de lendemains de guerre, la nouvelle majorité centrale est désormais libérée du péril de l’obésité et des vertiges de l’omnipotence, germes de divisions à terme. Indépendant, le Modem peut être respecté sans être en mesure d’exercer un chantage délétère : les centristes ne seront pas les nouveaux “frondeurs” du quinquennat, les fossoyeurs du macronisme. Quant aux novices marcheurs, cornaqués par l’ancien ministre de la cohésion, leur territoire d’action est balisé, même si on peut s’étonner que les exigences éthiques ne soient pas les mêmes au Parlement qu’au gouvernement. N’est pas la totalement respectable Sylvie Goulard qui veut, y compris dans sa formation.

L’heure de vérité

Dès à présent, l’exigence de résultat, et non seulement l’obligation de moyens, pèse avec gravité sur la conjonction des centres qui dirige la France pour les cinq années à venir. Derrière le ripolinage du personnel parlementaire, la profonde attente du corps électoral ne sera comblée que par la grâce de résultats rapides et palpables. Une poignée de mains réussie c’est bien, prendre en main et à bras le corps carences et souffrances sociales, c’est la véritable urgence.

Pour reprendre le titre du polar politique rédigé à quatre mains par Gilles Boyer, bras droit d’Alain Juppé, et le premier ministre, L’heure de vérité pour le pouvoir approche à grands pas. Éradiquer les scandaleux déserts médicaux, résoudre la crise du logement, miser -enfin- sur la chaîne de création de richesse recherche-innovation-formation, voilà sans doute des chantiers plus déterminants pour le redressement du pays que l’actuelle focalisation obsidionale sur l’allègement du droit social. Espérons que l’habileté impressionnante dont a fait preuve le nouveau président dans le domaine politique depuis un an trouvera vite son pendant dans une énergie positive concentrée sur l’objectif de redonner à la société et à l’économie française ce qu’elles peinent à définir depuis deux décennies : une voie originale de positionnement, de réussite collective et d’épanouissement personnel dans la mondialisation. Leur centre de gravité.

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