Qu’est-ce qui a poussé Patrick Dewaere, un écorché vif à se tirer une balle dans la bouche le 16 juillet 1982 ? Dans une biographie qui vient de sortir aux éditions Michel Lafon, le journaliste Christophe Carrière, tente d’expliquer, autant que cela soit possible, les raisons qui ont poussé cet artiste de 45 ans à se suicider, en pleine gloire et à la veille d’un tournage.
Cette biographie est précédée d’une préface de Lola Dewaere, fille du comédien et de sa seconde épouse Elsa. La jeune femme qui a toujours refusé de s’exprimer sur son père prévient, c’est la seule fois qu’elle le fera, plus jamais, elle n’abordera le sujet publiquement mais, ce faisant elle légitime le travail de l’auteur.
Une enfance tourmentée
De l’avis de tous ceux que Christophe Carrière a interrogé, de Bertrand Blier à Gérard Depardieu son fastueux complice dans « Les Valseuses » c’est son enfance que Patrick Dewaere n’arrivait pas à digérer, qu’il portait tel un lourd fardeau, un impedimenta dans lequel il tournait en rond. Sa mère, Mado Maurin, également comédienne, mal mariée plusieurs fois, avec qui le rapport était mauvais, ne lui a pas dit qui était son père. Pour Patrick, le doute subsistera et le taraudera. Il aurait tant voulu savoir, le rencontrer. Et puis, quand il était gamin, on l’a violé. Il s’en est ouvert à Bertrand Blier, à Gérard Depardieu. Une vie douloureuse , tumultueuse soutenue par un immense talent, portée par un homme qui malgré tout assumait parfaitement et jusque au bout ses engagements se dessine au fil des pages.
En cette semaine qui a vu la mort de Jeanne Moreau, sa partenaire dans « Les Valseuses », on ne peut s’empêcher d’évoquer ce film emblématique témoignage en toute insouciance sur la marginalité porté par le duo Dewaere-Depardieu qui fonctionnait à merveille. Après le décès de Dewaere, Gérard Depardieu dira « Avec Patrick on s’entendait comme deux larrons en foire, mais on ne se voyait pas en dehors du boulot ». « Les Valseuses ». Les deux compères répétaient la nuit les exploits qu’ils accompliraient le lendemain devant la caméra. Ils piquaient la DS de la production pour s’offrit des virées nocturnes. Dewaere embrassait sa vie au cinéma, il empoignait ses personnages pour la faire avancer.
Amoureux de Miou-Miou « la femme de sa vie » selon ceux qui les ont connus et fréquentés, avec qui il a une première fille, Angèle, que Julien Clerc, compagnon suivant de l’actrice adoptera après sa mort, Patrick ne se remet pas du départ de celle-ci. « Ca été le début de sa descente aux enfers. Il a perdu son encrage. Il devient plus impulsif, en un mot difficilement vivable » note l’auteur. Paumé, bavard mais sympa, fragile, sans défense, en pleurs et drogué cherchant toujours à arrêter et replongeant sans cesse. Mais un artiste qu’on n’oublie pas, un feu d’artifice permanant dont on se souvient 35 ans après pour la qualité de ses interprétations.
La grande famille du cinéma ne lui a jamais accordé de récompense, la presse l’a malmené. A cet écorché fiv qui n’était pas son ami, Gérard Depardieu a rendu un hommage posthume. S’adressant à lui il a écrit : « Je t’ai toujours connu grand brûlé. Tu te faisais mal dans ton coin. Tu étais presque infirme devant le monde. Je te voyais venir avec toute cette mythologie bidon de James Dean. Tu la trouvais belle, la mort, bien garce, offerte. Il fallait que tu exploses, que tu te désintègres. Tu allais à une autre vitesse, à une autre tension. Chaque jour, tu ressassais les mêmes, les mêmes horreurs dans ton crâne. A la fin, forcément, tu deviens fou. Tu te débats, tu te cognes contre tous les murs ».
F.C.