Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday sont partis l’un après l’autre mais ensemble. Ne pas mourir le même jour mais à vingt-quatre heures de différence, pour ne pas se gêner, pour ne pas se faire de l’ombre. Quelle élégance !
Jean d’Ormesson le premier, aimable, ouvert, élégamment conservateur, abonné à la littérature, spécialiste de notre langue qu’il chérissait et maniait avec l’habileté d’un fleurettiste dans ses livres comme à la télévision. Un légitimiste tolérant, mesuré, attaché aux libertés et à la justice dans lequel le bon sens commun et les racines de tant de Français se retrouvaient.
Johnny Hallyday le second, qui en 1959 a su accrocher la jeunesse d’alors et faire en sorte qu’elle ne le lâche plus au cours des décennies suivantes, surfant sur les vagues musicales successivesqui ont agité notre société, finissant dès les années 90 par attirer l’attention des
intellectuels en leur rappelant combien Tennessee Williams était important. La générosité qui animait ses concerts et son répertoire l’ont inscrit dans la vie des Français. Un chanteur, un homme de scène, le plus grand, le plus complet qui apportait à son pays des divertissements colorés d’ailleurs et l’engageait dans le brassage multiculturel mondial.
Ces deux hommes, chacun à sa manière, ont symbolisé la France de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ils étaient chacun à un bout de l’omelette que constitue la société française un brin traditionaliste, fière d’un savoir être séculaire avec lequel elle ne badine pas et cependant ouverte, curieuse, réceptive. Nos dirigeants comme la population ne s’y trompent pas : émotion et respect, deux monuments viennent de s’en aller auxquels il sera rendu un hommage national, pour Jean d’Ormesson vendredi aux Invalides, pour Johnny Halliday à un lieu et une date encore non précisés , tous deux en présence du couple présidentiel.
Si l’émotion est si forte c’est qu’avec ces deux départs, une page se tourne, la France du vingtième siècle quitte l’actualité pour entrer dans l’histoire. Elle est rendue à Dieu. D’Ormesson et Hallyday vont l’introduire au paradis des siècles disparus avant de rejoindre le cénacle déjà constitué entre autres par Françoise Sagan et Georges Brassens.