“A nous deux maintenant”, Bernanos l’impossible

Nous n’étions pas très nombreux ce mardi soir aux cinéma des Carmes d’Orléans, pour assister à la projection de “Sous le soleil de Satan” de Maurice Pialat, projection proposée par le CDN en prélude à la pièce mise en scène et interprétée par Jonathan Capdevielle, librement inspirée d’un autre roman de Georges Bernanos “Un Crime”. Sortant de la projection de ce film, qui reçut quand même la Palme d’Or cannoise en 1987 notamment pour l’intensité de l’interprétation du couple Gérard Depardieu/ Sandrine Bonnaire, totalement incandescents dans ce film, je m’interrogeais sur la possibilité de réaliser un tel film aujourd’hui tant le regard sur le religieux s’est déplacé depuis trente ans.

Comment entendre encore aujourd’hui cette question de la faute qui taraude le catholique Bernanos et qui fait de Mouchette, ingénue perverse et criminelle, le jouet de Satan, là où aujourd’hui, on ne voit plus que culpabilité aux explications psychologisantes ?

L’habit ne fait pas le moine

“A nous deux maintenant”, joué cette semaine au théâtre d’Orléans, n’apporte évidemment pas de réponse à cette question, Jonathan Capdevielle s’empare du texte de Bernanos pour une mise en scène particulièrement flamboyante qui redécouvre dans la trame policière du roman une étrange modernité scénaristique avec cette galerie de personnages travestis. Car il faut dire que cette histoire de curé(e) déguisé en femme dans une histoire d’amour lesbien est pour le moins trouble, histoire dont seul un auteur pétri de christianisme pouvait avoir l’audace du péché, quand bien même Bernanos, présent lui aussi dans la pièce par des extraits de sa correspondance, a écrit dans les années trente ce roman pour des raisons alimentaires.

Les cinq comédiens sous la houlette du protéiforme Jonathan Capdevielle endossent tous les costumes et toutes les voix des personnages incertains de ce drame rural, dont l’intrigue autour d’une enquête qui oppose vérité policière et intimité sombre des individus fournit une théâtralité à la fois très épurée visuellement mais à la bande son très élaborée, sophistiquée, parfois même surabondante. (une nouvelle fois, on regrettera l’usage des micros serre têtes pour les comédiens qui, détruisant la spatialité théâtrale, restituent une plate sensation radiophonique…).

Et comme pour nous rappeler la place assignée à la religion aujourd’hui, Jonathan Capdevielle introduit le seul texte qui ne soit pas de Bernanos sous la forme d’une homélie chantée, faisant du jovial curé prédicateur une sorte d’animateur moulé au Club Med, à des années lumière de la mystique sacerdotale de Bernanos… Heureusement, le monologue final dans une révélation lumineuse, nous rappelle quel grand écrivain fut Bernanos: l’on rêve de lire encore aujourd’hui des polars écrits avec cette plume trempée dans l’encre du diable …

Gérard Poitou

“A nous deux maintenant” Georges Bernanos/ Jonathan Capdevielle
Mise en scène Jonathan Capdevielle
avec Jonathan Capdevielle, Clémentine Baert, Dimitri Doré, Jonathan Drillet, Arthur B. Gillette (en alternance avec Jennifer Hutt), Michèle Gurtner

CDN Orléans du 6 au 7 décembre 2017

Commentaires

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  1. Merci Gérard pour cet article qui donne envie d’aller voir la pièce et…. de(re) lire Bernanos?

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