Premiers vœux à la presse du président Macron. Alors que son prédécesseur, François Hollande, avait transformé l’exercice en conférence de presse, répondant aux questions diverses d’une salle assise, Emmanuel Macron du haut de l’estrade dressée dans la salle des fêtes de l’Elysée a adressé les siens, solennels, didactiques, un brin moralisateurs, aux 500 journalistes français et étrangers accrédités, qui l’ont écouté debout.
L’ancien disciple du professeur Paul Ricoeur est resté attaché aux discours philosophique ex-cathedra. C’est son style. Aussi, pour inaugurer l’an neuf a-t-il infligé à son auditoire attentif et un peu médusé une leçon de philosophie, un avis à méditer, sur la nécessaire distance qu’il doit exister entre les mondes politique et journalistique. Distance nécessaire pour la liberté, pour la vérité de l’instant comme du long terme.
Liberté de la Presse
En introduction, le président a dit et redit combien la liberté de la presse était importante, voire capitale. Liberté de la presse, « la plus haute des libertés », dont il a rappelé la nécessité à deux jours de la visite en France du président turc, Recep Tayyip Erdogan qui s’en prend aux journalistes qui critiquent son régime. Liberté de la presse rappelée aux journalistes en général dont l’image souffre dans l’opinion d’un soupçon récurrent de connivence avec les politiques et parfois d’arrogance inappropriée dans les comportements. Le professeur Macron s’est donc autorisé à souligner les vertus de la « saine et juste distance » entre le politique et les media, allusion à peine voilée aux relations fréquentes, souvent informelles et incontrôlées de ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Projet de loi contre les « fake news »
L’actuel locataire de l’Elysée s’en est pris ensuite au rôle néfaste et destructeur « des fausses nouvelles » que les anglophones appellent « fake news » et dans lesquelles « le métier des journalistes est aujourd’hui dévoyé ». Déterminé, sûr de lui, se voulant pédagogue, « toutes les paroles ne se valent pas, les fausses nouvelles sont jumelles de la fascination libérale qui s’est emparée de certaines démocraties », il a dit vouloir une loi pour lutter contre « ces bobards inventés pour salir les hommes politiques et la démocratie ». Autrement dit en période électorale « certaines plates-formes sur internet pourraient être bloquées et l’identité des annonceurs être rendu publique. Jusqu’ici, « Propager une fausse nouvelle (sur internet) ne requiert que quelques dizaines de milliers d’euros et peut se faire dans l’anonymat complet », a rappelé le président. Aussi « les plates-formes se verront imposer des obligations de transparence accrues sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus… En cas de fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge au travers d’une nouvelle action en référé qui permettra, le cas échéant, de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur, voire de bloquer l’accès au site internet… », a-t-il ajouté.
Les pouvoirs du CSA seront par ailleurs renforcés « pour lutter contre toute tentative de déstabilisation par les services contrôlés ou influencés par des Etats étrangers » a poursuivi le chef de l’Etat qui a proposé aux media d’entamer une réflexion déontologique afin de définir le champ de la désinformation et celui de la liberté d’expression, donnant pour base de départ possible « la démarche de Reporters sans frontières visant à inventer une sorte de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier ». Il a également confirmé le projet de loi autour de l’audiovisuel public qui sera présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année.
Trop de proximité amène des dérives, prendre ses distances isole. Alors à la fin de sa leçon, le président seul en chaire est descendu dans la foule de ses interlocuteurs et pendant une bonne heure, dans un cercle compact d’intervieweurs au débotté, sans jamais trahir ses prises de positions a répondu à leurs questions, de la sécurité publique aux relations internationales en passant par la réforme de l’Etat. En quelque sorte, la juste et saine distance selon Emmanuel Macron.
F.C.