Dans son rapport annuel rendu public ce mercredi matin, la Cour des Comptes passe au crible le secteur de la sécurité privée en forte croissance ces dernières années en raison de la menace terroriste. Le ministère de l’Intérieur a de plus en plus souvent recours à lui pour remplacer les policiers et les gendarmes qui gardent les bâtiments publics, tels les tribunaux, les préfectures, les écoles de police…

Mais pour les sages de la rue Cambon, ces agents privés, 170.000 salariés souvent peu qualifiés et mal payés, ne sont pas suffisamment bien sélectionnés et contrôlés. Le rapport épingle ainsi sévèrement l’organisme public, qui, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, est chargé de réguler ce secteur.
Des casiers judiciaires parfois lourds
Première et énorme surprise, les magistrats de la Cour des comptes ont découvert que l’on pouvait travailler dans la sécurité privée en ayant été condamné pour violences conjugales, conduite sans permis, sans assurance ou en état alcoolique, détention de stupéfiants, escroquerie, abus de confiance, ou encore outrage à personne dépositaire de l’autorité publique….. Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) présidé jusqu’à la fin novembre 2017 par le criminologue Alain Bauër, qui délivre les autorisations pour cinq ans, n’a pas jugé jusqu’ici ces délits incompatibles avec la surveillance d’un palais de justice ou celle d’une préfecture. Quand elle l’a découvert, la Cour des Comptes a failli s’étrangler et est partie en guerre contre ce qu’elle qualifie dans son langage policé « d’appréciation trop indulgente de la moralité ».
Des personnes en situation irrégulière et mal formées
Deuxième grief, l’absence de réelles vérifications des formations professionnelles. Neuf candidatures sur dix sont acceptées, avec des dossiers constitués de mauvaises photocopies de cartes d’identité, françaises ou étrangères, d’où le risque élevé de fraude. Aux abords d’une grande gare parisienne, il arrive, la Cour l’a constaté, que la surveillance soit assurée par des agents cynophiles non formés dans les règles et en situation irrégulière sur le sol français.
Lacunes structurelles
« Peu fiable, marqué par une qualité de service aléatoire, par d’importantes fragilités économiques et sociales », le secteur des entreprises privées de sécurité dans sa globalité et son autorité de régulation sont sérieusement mis en cause. Les sages de la rue Cambon s’inquiètent également du dumping sur le prix des prestations « au détriment du service rendu ». Les donneurs d’ordre publics qui retiennent les « entrepris

Fan zone lors de l’Euro
es les moins disantes » sont pointées du doigt. Ainsi l’organisation de l’Euro 2016 a, selon la Cour, constitué un cas d’école avec « l’insuffisante qualité des palpations de sécurité à l’entrée des stades et des « fan zones », et des agents sans autorisation professionnelle ou en nombre inférieur au chiffre fixé contractuellement autant de « manquements déontologiques qui portent atteinte au crédit de l’établissement ».
Pour les magistrats financiers l’autorité de régulation du secteur, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), n’a pas « des résultats à la hauteur des attentes ». Ceux-ci ne permettent pas à ce jour « d’opérer une véritable sélection à l’entrée de la profession, ni de l’assainir par des contrôles efficaces ». En dépit du dynamisme affiché du secteur (hausse de 10 % de son chiffre d’affaires entre 2014 et 2016 et de l’augmentation de 4,5 % du nombre de salariés de 2015 à 2016), la Cour égrène ses lacunes structurelles : « Atomisation » avec 67 % des sociétés privées de sécurité n’ayant aucun salarié, « très forte concentration » puisque 43 % du chiffre d’affaires sont réalisés par les 36 plus grandes entreprises et « faible rentabilité » avec environ 1 % de marge en moyenne.
Appel à un renforcement du pilotage de l’Etat
Sur fond de « participation croissante » des entreprises de sécurité privée au dispositif global de sécurité intérieure envisagée par le ministère de l’Intérieur, la Cour des comptes appelle donc à un « renforcement du pilotage de l’Etat » sur ce secteur. Message entendu puisque lors du lancement lundi des cinquièmes assises de la sécurité privée, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, s’est engagé à accroître la structuration du secteur et à définir une doctrine d’emploi de la sécurité privée en France. Il a également annoncé la création d’une mission parlementaire pour donner plus de place aux acteurs privés de la sécurité, un secteur qu’il estime être un « pilier fondamental des politiques de sécurité ».
F.C.