Le Froid est parti, les promesses avec… Les promesses du plan Grand froid du 5 février n’auront pas été tenues, “l’exploit” si cher au directeur général d’Imanis Loiret, en conclusion d’un récent débat sur les ondes de RCF 45, de mettre toutes les personnes qui
appellent le 115 à l’abri n’aura pas été réitéré trois semaines plus tard !
Par Yves Bodard
Même le conseil départemental si prompt à communiquer à grand renforts d’effets de manche n’aura pas à nouveau organisé sa “soirée porte ouverte” alors que les températures avoisinaient -8 degrés le 28 février! Les élus-es avaient soulagé leur conscience trois semaines plus tôt et l’amnésie pouvait à nouveau s’inviter. Le “hic” c’est que je suis avant tout un acteur de terrain et si les promesses radiophoniques trépassent, je reste un éternel empêcheurs de tourner en rond. On dérange. Tant pis, c’est pour la bonne cause! Il faut des aiguillons, j’assume ma part!
Des âmes en peine recroquevillées, paralysées de froid…
Les promesses n’ont pas été tenues et l’équipe des maraudeurs du Jeudi qui avait déclenché une maraude exceptionnelle “Grand froid” ce mercredi 28 février en a témoigné sur les réseaux sociaux! À en pleurer. Il est 19 heures ce mercredi 28 février et nous commençons notre périple.
À notre grande surprise, nous rencontrons des âmes en peine, recroquevillées, paralysées de froid… Isolées. Nous nous employons, alors, à composer et recomposer le 115, insister, nous indigner quand la réponse apportée aux personnes transpercées par le froid était : “Pas de place disponible”. L’équipe du Samu social qui nous a rejoint sur le terrain, tributaire des places octroyées par le115 “déconnecté” des réalités sibériennes du jour était bien à la peine, voire désemparée. Nous leur témoignons tout notre respect et notre soutien!
Un des “maraudeurs du Jeudi” a même dû assurer le transport d’une personne meurtrie par le froid avec son véhicule jusqu’à la structure d’hébergement quand enfin, une place lui avait été octroyée! À charge pour cette personne, toujours selon les indication du 115 de s’y rendre à pied ou par ses propres moyens. Véridique. Là, c’est l’attente et si notre compagnon maraudeur-accompagnateur-taxi n’avait pas insisté, tambouriné, le renoncement et le découragement l’auraient emporté. Pendant ce temps-là, nous nous affairons auprès d’un jeune de 19 ans, alcoolisé, qui veut dormir à la rue.
Au pied des immeubles huppés

Les maraudeurs du Jeudi
Là, au coeur de la ville, au pied des immeubles huppés, dans l’indifférence assourdissante de la cité de Jeanne d’Arc. Là, devant le 35 rue de la République, il a construit un abri de fortune en carton! Il se met en danger. Maxime, un des compagnons maraudeurs alerte, appelle le 115. Réponse lancinante…“Nom et date de naissance de l’individu”. Je me fâche tout rouge et on nous envoie la patrouille sociale… Ce sont sont à nouveau les deux jeunes du SAMU social estampillé Croix rouge qui se déplacent. Le jeune n’en démord pas, il veut dormir dehors quitte à y laisser sa peau. On dialogue, on argumente, rien n’y fait. On passe outre et on alerte les pompiers qui refusent de se déplacer… C’est pas leur job : “Appelez la police”. Nous insistons auprès du SAMU social. Leur responsabilité est engagée et nous, nous devons encore aller au chevet de quelques jeunes et leur chien qui dorment plus loin sous la Place d’Arc.
Avant de partir, J’arrive à convaincre les deux jeunes du SAMU social de se “couvrir” et d’appeler la police nationale qui leur demande d’appeler la police municipale qui se déplacera ou pas…
Cette police municipale si zélée et prompte d’ordinaire à verbaliser et évacuer les trublions alcoolisés… Pour le coup, je me réjouis de savoir que ce jeune qui risque sa peau pourrait finir en cellule de dégrisement. Au chaud ! Si on peut éviter ainsi un drame humain.
Quelques pas plus loin, un jeune de 25 ans se présente ainsi :“Migrant de l’Afrique Subsaharienne”. Il attend une place qui lui a été généreusement accordée après plusieurs rappels téléphoniques mais… il doit s’y rendre à pied. Nous insistons auprès du Samu social pour qu’il le conduise sur la structure d’hébergement. C’est interdit normalement mais ce soir, nos deux jeunes compagnons que nous avons poussés à la désobéissance éthique braveront l’interdit. Chut! Ils ont bien fait.
Le discours sur les migrants feignants

Les maraudeurs du Jeudi
Le jeune nous explique qu’il suit une formation de 8h à 17h dans les métiers du transport, le midi, il mange un biscuit acheté au distributeur; et dès 18 heures, il se préoccupe enfin de son hébergement… Il assure, hein? Et je repense aux discours sur les migrants feignants, assistés et j’en passe. Respect jeune homme. Je repense aussi aux recommandations du 115. “Les sans abris ont toute la journée pour adresser leur demande de prise en charge”. Gare à celui qui s’y prendrait trop tard ! Nous reprenons notre maraude, échangeons quelques mots, des accolades avec des habitués qui me reconnaissent. Un peu de chaud dans le corps (café, thé, chocolats) proposé par l’infatigable Catherine. Un peu de chaud pour le corps (couvertures de survie, vêtements), de l’hygiène pour la dignité et nous allons regagner notre confort, notre lit douillet avec plein de culpabilité mais avec le sentiment du devoir accompli. Non, on n’est pas des héros. Il est 23 heures passées. Maxime le plus jeune d’entre nous est ébranlé par cette soirée de la vie ordinaire finalement… rendue extraordinaire par les aléas de la météo! Le lendemain, il expliquera qu’il a fini le soir en larmes dans les bras de sa copine.
Et si nous faisions d’Orléans la ville symbole…
Tout est résumé : Déception, colère, amertume… Excès d’empathie. Moi, j’ai dû mal à trouver le sommeil. Je pense au jeune Rue de La République. A-t’il été pris en charge ? A 5 h 30 du matin, je n’y tiens plus et je fonce au coeur de la ville. La police municipale ne s’est pas déplacée? Il a dormi dehors dans ce froid Sibérien. Il est réveillé et moi je l’engueule de m’avoir fait flipper ainsi! J’ai les larmes aux yeux en le serrant dans mes bras. Il me dit juste: “merci monsieur.”
Et vous, mesdames et messieurs les responsables politiques d’ici et d’ailleurs, juste envie de vous crier “plus jamais ça!” Et si nous faisions de la ville d’Orléans, la ville symbole de la promesse présidentielle tenue: “aucun sans abri dans nos rue en janvier 2018“. On est déjà en Mars!
Des propositions adaptables, notamment celles que j’ai portées sur l’espace public et jusque dans vos bureaux existent … Portons les ensemble!
Non, plus jamais ça !