‌MNA ou MIE ? SOS enfance en danger !

Y a-t-il un sens à réduire la situation de gosses qui n’ont pour seule différence de venir d’ailleurs, pour seule particularité un long périple fait d’épreuves, de souffrances et d’humiliation à 3 lettres  qui figent MIE ou MNA.

Par Yves Bodard 

Mineurs isolés étrangers ou encore Mineurs non accompagnés, ils sont plus de 400 à survivre dans la cité Johannique. On cherche à les rendre invisibles, à fermer les yeux sur leur situation mais si vous levez la tête en marchant, vous les reconnaitrez avec leur repas du midi  dans des sacs en plastique, leur vélo d’une autre époque auxquels ils ont donnés une deuxième vie et surtout leur regard plein de tristesse, d’espoir et d’humanité. On ne voit bien qu’avec le cœur…

Je les connais parce que je suis éducateur spécialisé. Je les connais parce que je suis proche du COJIE (Collectif de soutien aux jeunes isolés étrangers), des  personnes tournées vers les autres inlassables pourfendeurs  de la fabrique à la casse humaine qu’est devenue notre société. Je les connais parce qu’il y a 5 ans, le hasard de la vie, le hasard de mes engagements, la promesse faite à Jean-Marc, un entraineur  de foot sur son lit de mort, m’a amené à prendre deux jeunes MIE Guinéens sous mon aile. Ils ont 21 ans aujourd’hui. Avec ma femme et mes enfants, nous leur avons ouvert la porte de notre maison, celle de notre frigo aussi et surtout la porte de notre coeur. Ils y resteront à jamais !

S’il le faut, nous le cacherons !

L’un dont la situation a été régularisée par sa paternité en France m’appelle tonton et sa petite fille aussi. L’autre, fils unique et orphelin, attend toujours le précieux sésame de la préfecture malgré une promesse d’embauche après sa formation qualifiante. Il a surmonté tous les écueils de l’accueil dans un pays dit civilisé, la Garde à vue pour subir un test osseux, le ventre vide, le rejet des administrations, le parcours du combattant pour aller à l’école, se former, la rupture familiale et j’en passe ! Il m’appelle Papa et s’il le faut, nous le cacherons !

Le parcours des 400 autres que j’appelle les recalés de la vie est tout aussi délirant et violent. Trouver un médecin, un dentiste pour soigner les maux du corps , trouver une formation qualifiante, s’inscrire et rester à l’école, avoir une carte de transport, prendre une douche, tout cela relève de l’exploit !Certains s’entassent à 5 ou 6 dans une chambre de quelques mètres carrés, lavant leur slip du soir pour qu’il soit propre le lendemain matin. Y a de la dignité, chez ces gens -là Monsieur !

Recalés parce qu’ils ne rentrent pas dans la bonne case, ils sont voués à l’errance ! Ballotés entre l’Etat qui a pour mission de s’occuper des migrants et par le département qui a obligation au titre de sa mission de  protection de l’enfance de les prendre en charge. Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes sont des balles de pingpong que se renvoient inlassablement les services administratifs…A chaque bout de la table, le préfet et le président du conseil départemental.
Qui gagnera la partie ?

Pas d’ascenseur social

L’ascenseur social, il n’existe pas. C’est une pure  invention de nos technocrates et de certains  élus-es déconnectés des réalités. Pour ces jeunes, ce sont aux échelons de l’échelle sociale qu’ils se cramponnent comme à  la bouée dont ils se souviennent encore en pleine mer ! Chaque barreau gravi, c’est un pas de géant vers cette utopie de faire leur vie ici chez eux, chez vous, chez nous ! Certains diront qu’ils mentent sur leur âge ou leurs parcours pour rentrer dans la bonne case. Et nous? Ne ferions nous pas pareil pour éviter la rue, l’expulsion, le rejet?
Et si nous interrogions plutôt  notre système pourri et pervers  pour qui le mérite  doit être quantifié, mesuré  pour être gratifié. Ne sont ils pas tous autant méritants ! Echangerions nous nos places  ?
La structure familiale de ces jeunes est différente du modèle européen. Echouer dans leur projet de réussir à faire leur vie, ce serait la preuve de leur incapacité à aider leur famille.   La honte, le rejet l’exclusion, le bannissement les attendent en cas d’échec. Nous sommes différents et semblables. Et là, est notre richesse !

Les services du département du Loiret semblent en avoir pris conscience. Et sous l’impulsion de Madame Leclerc, vice-présidente du conseil départemental  en charge des questions sociales qui a essayé d’enclencher une dynamique lors d’une grande réunion de concertation le 8 Novembre 2017, un espoir était né. Mais derrière cette humanité incarnée par cette élue courageuse et sincère; dans les faits, il ne s’agit que de saupoudrage et de quelques aménagements. Quelques postes en CDD pour renforcer l’existant et pourvoir au plus pressé en remplissant les ventres et en mettant à l’abri…..mais qu’en est- il du soin, de l’accompagnement éducatif, de la sécurité affective  de ces jeunes comme la loi le stipule ? Certains sombreront dans la maladie mentale, des jeunes femmes dans des réseaux de prostitutions ou à la merci de personnes qui profiteront de leur faiblesse et de leur désespoir.

Devons-nous fermer les yeux ?

Enfants déracinés mais pas enfants sans racine, la terre est bonne ici. Alors semons de l’espoir et aidons les à grandir, à éclore! Des mouvements citoyens s’organisent, des individus désobéissent, tendent la main mais sans une réelle volonté politique de tous les services de l’état, du département, de  la région ,sans une vraie solidarité des communes et de tous les territoires, nous n’ y arriverons pas ! Les départements doivent faire leur part et remplir leur mission d’assistance éducative et d’aide sociale à l’enfance. Les caisses des collectivité sonnent le creux mais le nombre de millionnaires augmente. Y’aurait pas un problème là ?… En tout cas, renoncer ce serait trahir l’idéal républicain et salir ce qui est inscrit dans  le marbre de notre patrimoine humain : « Liberté-égalité-fraternité »

Alors, on fait quoi ?

SOS

Commentaires

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  1. La France, à défaut du Royaume-Uni reste un grand mirage pour ces migrants à la recherche d’un Eldorado économique. Elle ne peut être qu’un moment de quiétude hors des violences politiques et des zones de conflit. Elle n’a pas besoin de main-d’oeuvre non choisie et les départements croulent sous la charge financière. Alors, on fait quoi ? Prendre le problème à bras le corps ? Tarir les sources de cette immigration ? Arrêter de s’immiscer dans les affaires intérieures des Etats au prétexte de la lutte contre le terrorisme ? Renvoyer ces jeunes dans leurs pays d’origine dès leur majorité ? Il est plus que temps qu’une politique à leur égard soit débattue et acceptée par les Français, les parlementaires et le Gouvernement.

  2. Entre les traiter comme on les traite et introduire juste un peu d’humanité, il y a une marge qui ne représente pas un gouffre financier pour les caisses publiques. L’enjeu ne dépend que du regard qu’on pose sur ces jeunes, soit on les considère comme un problème migratoire confronté à un chapitre budgétaire, soit on les voit simplement comme des êtres humains en détresse, et ça peut tout changer.

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