Plus ancienne fête commémorative de France encore existante, le rendez-vous annuel des fêtes johanniques vient d’être inscrit au Patrimoine culturel immatériel de France. En attendant une éventuelle reconnaissance mondiale de l’Unesco, dans quelques années…

Et dire que quelques orléanais, voire quelques natifs et membres de familles implantées depuis des siècles sur le territoire de la métropole, ne connaissent même pas la richesse patrimoniale qui est la leur. Un peu comme si les habitants de Dax ou de Bayonne boudaient la féria, ou les dunkerquois leur carnaval. Rendez-vous compte qu’il a fallut le travail de quelques universitaires et spécialistes de haut rang pour mettre l’évidence au rang de patrimoine national. Les fêtes johanniques, comme elles se nomment aujourd’hui, sont inscrites depuis le 28 février dernier au patrimoine culturel immatériel de la France !
Cette reconnaissance officielle aura demandé 4 ans de travail pour produire un rapport circonstancié réalisé conjointement par des historiens, des ethnologues et autres intervenants et spécialistes locaux, et qui consacre aujourd’hui, comme le font remarquer tous les observateurs, l’esprit républicain qui anime cette manifestation séculaire. Un esprit républicain affiché réunissant le civil, le religieux et le militaire et, surtout, associant près de 80 communautés différentes, argument décisif et fédérateur pour l’obtention de cette distinction.
La plus ancienne commémoration française
Ce mercredi 3 mai 2018, autour d’Olivier Carré, à la salle Dupanloup, en présence de la Jeanne d’Arc 2018, assise au premier rang, avec les officiels, tous étaient unanimes pour saluer la qualité de cette initiative. Tellement unanimes, même, que la salle ne posa aucune question aux intervenants en tribune pour en savoir plus sur les méthodes entreprises, les (éventuelles) difficultés rencontrées, et les retombées, financières ou autres, que cette reconnaissance pourra apporter à la ville, outre un label prestigieux qui, avouons-le, ne peut être dédaigné, loin de là.
Mais, honnêtement, il est toujours bon de faire quelques rappels pour bien donner la mesure de l’évènement. « Les fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans sont parmi les plus anciennes fêtes commémoratives de France. Instaurées en 1430, elles célèbrent l’intervention de Jeanne d’Arc qui permis de lever le 8 mai 1429 le siège d’Orléans, tenu par les Anglais ». Un moment d’histoire de France appris dans toutes les écoles, mais qui se complète par un élément important, celui qui justifie cette reconnaissance nationale…comme l’étiquette qui colle à la ville depuis des siècles. « (ces fêtes) conservent encore dans leur structure l’organisation de cette première procession, ce qui leur donne une forme héritée d’un modèle mis en place sous l’ancien régime dont elles sont la dernière manifestation en France ». Ce plus ancien cortège commémoratif de France rappelle donc, chaque année, « le soulagement éprouvé par la population il y a près de 600 ans. Cas unique en France, l’évènement rassemble encore aujourd’hui la population orléanaise autour de défilé civils, militaires et religieux et de temps festifs ».
L’atout des communautés
Là, tout est dit, si on précise qu’environ 2.500 participants de 80 communautés différentes prennent part aux différentes manifestations qui, désormais, autour du point fort du 8 Mai, pendant 11 jours, réunissent plus de 300.000 spectateurs. Ces fêtes célébrant Jeanne d’arc ne sont pas uniques, en France ou dans le monde. On en compte d’autres, précise le rapport, en région Centre-Val de Loire (Chinon, Chécy, Beaugency, Patay, Jargeau), comme en Lorraine (Reims, Domrémy) … et même à Rouen. Mais, est-il précisé, « Les Fêtes de Jeanne d’Arc sont aujourd’hui clairement identifiées comme l’évènement identitaire de la ville, lui offrant une renommée et une visibilité de premier ordre pour la promotion de son territoire. Ainsi, les fêtes sont un atout majeur aujourd’hui utilisé dans la promotion d’Orléans dans le secteur patrimonial et touristique, au niveau national et international ».
Certes, à condition d’éviter les trois « menaces » évoquées par les rapporteurs qui pourraient attenter à sa viabilité, que ce soit « le renouvellement des associations prenant part à l’évènement », qui composent son socle communautaire, que « l’assimilation des fêtes johanniques au front national », dans une logique « identitaire » contestable, et surtout, « l’imposition d’une seule signification aux évènements », qui occulterait les multiples facettes de ces fêtes.
Dans la mémoire de quelques orléanais, qui, à cette époque, ne défilaient pas avec l’harmonie d’Ingré ou au sein des « provinces », par exemple, il reste quelques traces d’une « contre-fête de Jeanne d’Arc » qui se déroulait au début des années 80 à Saint-Jean-de-la-Ruelle, aujourd’hui disparue.
Une contre-fête ? N’était-ce pas, déjà, un réel gage de notoriété ? Qui justifierait encore plus l’obtention de cette inscription au patrimoine culturel immatériel de France ? S’il en était besoin…
Jean-Luc Bouland