« Que reste-t-il de Mai 68 ? » . Proposée jeudi 17 mai à la Médiathèque de Saint Jean de la Ruelle, cette thématique développée en présence de Pierre Allorant résonnait comme un appel à continuer le combat plutôt qu’à une commémoration. Comme un devoir de mémoire réclamé par un public majoritairement proche de l’époque célébrée.

« Tu voles un pain, tu va en prison. Tu voles un million, tu vas au Palais Bourbon ». En ce mois de mai 2018, citée par l’un des participants à la projection-débat organisée à la médiathèque de St Jean de la Ruelle, ce jeudi 17 mai, cette phrase datant de mai 68 avait comme une drôle de consonnance. Comme un air d’actualité pour ceux qui n’ont pas connu l’époque aujourd’hui célébrée. Et comme une forte incitation à continuer le combat créatif matérialisé sur place par des slogans d’époque sur les murs et des ouvrages adéquats en évidence sur les rayonnages.
Initialement organisée autour d’un film qui fit ses caprices techniques et se mit brusquement en grève illimitée, provoquant un « happening » participatif de bon aloi animé par Pierre Allorant, doyen de la Faculté de droit, économie et gestion d’Orléans, la réunion généra quelques échanges passionnés fort instructifs. L’objet n’était pas de disserter sur les évènements parisiens et nationaux de l’époque, mais d’en aborder leur résonnance dans les régions, et bien entendu au niveau local. Comment ces événements étaient-ils vécus en Limousin ou en Provence, par exemple ? Et quelles répercussions y-avait-il directement à Orléans, par exemple ?
« Il faut savoir que si Orléans était la 9e ville de France en 1848, elle était plus proche de la 40e place cent ans après. Tout était à faire, à créer, à regagner », expliquait Pierre Allorant. « Et ce n’est pas pour rien si aujourd’hui, le Loiret est le premier département de France par sa démographie décentralisée. Les deux tiers de ses habitants ne sont pas originaires du département ». Ainsi, en 1968, la Fac d’Orléans, toute nouvelle, ne comptait pas plus de 100 étudiants par sections (Droit, économie, etc), précisait-il, appuyé en cela par la présidente de l’UNEF de l’époque à la fac d’Orléans, Monique Limousin-Faucheux, présente dans la salle. « A l’époque, j’étais une des rares femmes présidente d’un mouvement étudiant. Et tout se passait bien, tout était bon enfant », disait-elle avec une voix encore chargée d’émotion, et fortement teintée d’amertume en évoquant la situation actuelle de l’UNEF, secouée par des scandales de « harcèlement sexuel » qui n’étaient pas de mise à son époque. Comme si certains idéaux défendus avaient été oubliés…
Des conditions difficiles en “province”
En Province, comme l’évoquait le film, la vie n’était pas facile, très peu de voitures automobiles individuelles, peu d’électroménager, et des conditions de travail pour les ouvriers particulièrement difficiles. « 1968 a rappelé pour beaucoup 1936, dans ses volontés de progrès social, de condition de vie. Et si l’on parle de soixante-huitards, c’est en référence aux quarante-huitards du siècle précédent, qui amenèrent aussi une avancée notable dans la société ». Pour Pierre Allorant, la présence de Roger Secrétain aurait fait beaucoup pour le développement de la ville, en 68. Une déclaration diversement appréciée, voire contestée, qui relevèrent surtout la proximité du maire avec le préfet du département, qui n’était pas des plus modérés…
Alors, faut-il tirer des leçons de 1968, continuer un combat engagé qui serait, en fait, perpétuel ? Présents dans la salle, des élus tels que Marceau Villaret, le premier adjoint, ou Claude Huygues des Etages, membre de l’opposition, ont préféré se faire discrets, et laisser parler la salle, souvent plus mobilisée. Mais quand certains citaient les zadistes de Notre-Dame des Landes comme les successeurs des manifestants de mai 68, d’autres gardaient en mémoire les propos de Pierre Allorant exprimés en début de réunion. Aujourd’hui, les étudiants sont peu revendicatifs, peu contestataires, même dans les cours, face à leurs professeurs.
Au point que pour certains d’entre-deux, le rappel de mai 68 n’est peut-être qu’une leçon d’histoire, au même titre que les commémorations de la guerre de 14-18. Un peu comme des histoires d’anciens combattants qui ne les intéresseraient pas. D’où la nécessité de maintenir ce type de débats, d’expositions, pour que la réflexion perdure, quelles que soient les convictions de chacun…
J.LBouland
Originally posted 2018-05-18 15:00:00. Republished by Blog Post Promoter