Mercredi 30 mai, au théâtre d’Orléans, se jouait L’Oreille du roi, une pièce radiophonique s’articulant comme un dialogue entre conte et musique. L’Ensemble Cairn, actuellement en résidence au théâtre d’Orléans a donc accueilli le comédien Jacques Gamblin, récitant d’exception, pour animer et donner vie à ce conte musical.
L’Oreille du roi est un projet qui a été commandé par l’Ensemble Cairn au compositeur Joël Merah en 2003. L’oeuvre est composée d’une partie parlée, racontée, qui provient d’un recueil de trois contes écrit par Italo Calvino, Sous le soleil Jaguar. « Un re in ascolto », un roi à l’écoute, a alors été adapté comme un conte musical, et imaginé comme un dialogue entre un récitant et un ensemble de six musiciens.
Le Molière de Jacques Gamblin
Devant un public en petit comité, c’est un Jacques Gamblin en pleine forme qui s’avance sur la scène. Le comédien, qui s’est imposé depuis une vingtaine d’années dans le monde du cinéma, avait reçu deux jours auparavant le Molière du comédien d’un spectacle de théâtre public, pour sa pièce 1 heure 23’14 ” et 7 centièmes. Grand lecteur, il est pourtant rare de le voir faire une lecture. Mercredi soir, c’était donc une chance à ne pas laisser passer !
D’une voix sûre et enveloppante, Jacques Gamblin raconte. C’est l’histoire d’un roi, qui parce qu’il est roi, n’ose plus quitter son trône. Enfermé dans une pièce, son seul contact avec l’extérieur (son palais comme sa ville) réside dans les bruits. Il les étudie, les connaît par cœur, et essaie de les décrypter. Dans cette bulle intemporelle qu’est la salle du trône, le roi veut comprendre ce qui se passe dehors. Soudain, les sons l’inquiètent, le bousculent. Ce bruit sourd dans les tuyaux, est-ce une révolte qui gronde ? Un complot visant à le détrôner ? Ou pire, visant à l’assassiner ?
Thriller sonore
Le conte se transforme alors en thriller sonore et les musiciens répondent à l’angoisse du roi. Ce sont les bruits, lents d’abord, d’un intérieur de palais. Des sons parfois discordants, mais réguliers. Puis, dans un deuxième temps, tout s’accélère et la vitalité de l’extérieur semble pénétrer dans l’oreille du roi avec grand fracas.
La voix de Jacques Gamblin accompagne cette accélération, sa voix rythmée ne trébuche sur aucun mot et la voilà qui s’élève et se crispe avant la chute. Notre ouïe est scotchée par son intensité et son épaisseur. Le temps et les époques se mélangent et se superposent ; et voilà que le morceau Una Panthera, de Johannes Ciconia (1370-1412) s’invite dans la pièce.
Mais à la fin, la question demeure : tous les bruits sont-ils à l’extérieur, réels, ou bien à l’intérieur de la tête du roi ? Et pour illustrer cette tempête sous un crâne, des bouilloires sur scène – bouillonnantes et pleines de vapeurs, se mettent alors à siffler.
Après une heure trente de musique et de récit, on est reparti enchanté du théâtre et, il faut bien l’avouer, un peu amoureux de Jacques Gamblin.
Valentine Martin
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