D’humbles scènes d’intérieur, des rendez-vous d’amoureux à parfum de mélodrame, des scènes de rue et de marché, des bars, des jardins publics, des lectrices solitaires, des bals du coin de la rue, des musiciens en goguette: tels sont les personnages et les scènes qui peuplent l’univers troublant, tour à tour joyeux et inquiétant du peintre Christian Vassort qui vit et travaille à Saint-Jean-de-la Ruelle.

A n’en pas douter il y a dans le travail à la fois réaliste et surréaliste de cet imagier, cet illustrateur à la peinture à modeler qui décoche avec bonheur des êtres à la volumineuse délicatesse, une poésie toute singulière et cinématographique.
Une peinture à modeler au réalisme surréaliste
On aimera notamment dans cette abondante création, où l’on retrouve en 2008 un autoportrait de l’artiste aux pieds nus, une belle série consacrée au cirque imaginaire Plox avec ses figures équestres et ses costauds.
Lorsque l’on visite le site des peintures gorgées de nuances de lumière et de détails de cet artiste, on s’aperçoit qu’au fil du temps il devient de plus en plus tendre, de plus en plus fin, et pratique magistralement le sfumato sans perdre la vigueur de son coup de patte tout personnel.

Autoportrait aux pieds
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Récemment, cet artiste, invité par le salon Livre O Cœur à l’Orangeraie du Jardin des plantes d’Orléans, dédicaçait “L’Île aux chimères”, ouvrage de Christian Grenier illustré par Christian Vassort et publié aux éditions L’Atelier du poisson soluble. Rendez-vous, dans cet album, avec la jeune Ave, le seul ami de Mada, deux êtres qui vivent sur une île devenue une ville nommée La Vîle.
“Un mariage incessant de l’inerte et du vivant”
Au fil de cet ouvrage de science fiction la ville grandit, les objets s’animent, se révoltent, les humains prennent des allures d’animaux et les métamorphoses sont multiples. Laissons parler Mada, celui qui résume bien cette situation inquiétante : “Je louvoyai en courant dans un entrelacs d’immeubles qui avait poussé comme des champignons. Je veillais à ne jamais perdre Ave de vue. Parfois au détour d’un carrefour, je croisais un être hybride, biscornu: un éléphant baobab, un taureau à visage humain ou un homme aux membres inachevés et incongrus. C’était un mariage incessant de l’inerte et du vivant, mille ébauches d’êtres nouveaux. J’évitais d’aborder ces créatures de cauchemar”.
Ici, dans cette aventure où “la nature a décidé d’imiter l’art”, ou la fuite des héros est une descente aux enfers de mutants avec objets intégrés aux corps , l’auteur et l’illustrateur offrent un quatre mains où récit et images s’accompagnent avec distance et légèreté pour suggérer le climat poétique de l’intrigue. Sans dévoiler la fin de l’histoire, disons qu’apparaissent dans les dernières pages un généticien maître des chimères, et un jardin des Dennes où Mada et Ave ont peut être bien, tout compte fait, des atours d’Adam et Eve contemporains dans un paradis qui n’a rien d’idyllique.
Volume, chimères et jeu de lumières
Rencontré à Orléans après sa nouvelle participation au Salon des Artistes Orléans, au salon Livre O Cœur et avant le 35e salon d’automne d’Amilly dont il sera l’invité d’honneur, avant le salon Comparaison qui se tiendra en février au Grand Palais à Paris, avant le salon d’Art Naïf qui se tiendra en 2019 au château de L’Etang à Saran, Christian Vassort, peintre et dessinateur depuis toujours, reconnait qu’il aime entre autres Brueghel et les primitifs, le Moyen Age et la Science Fiction, Picasso et le Cubisme, Michel -Ange, Topor et Paul Delvaux, autant d’artistes et de genres qui ne l’influencent pas de manière définitive mais le charment.

Rapprochement
A quoi ce coup de patte de l’artiste qui dote ses personnages d’une rondeur éloquente et déformée est-il dû? A son talent et à une une pure et simple décision d’ordre technique: “Je tiens à favoriser le volume et le jeu de lumière. Alors que dans le dessin classique tout personnage à sept ou huit fois la taille de sa tête, moi j’ai tout divisé par deux et mes personnages font ainsi quatre fois la hauteur de leur tête “.
Croquis d’après des impressions vécues
Comment naissent les toiles de l’artiste qu’il réalise à l’acrylique sur bois ? Christian Vassort.
“Je peins sur du support bois que j’enduis moi-même avec un petit grain. Je dépose tout d’abord un camaïeu de gris coloré comme une photo en noir et blanc puis je pose petit à petit des glacis transparents ou opalescents. L’intérêt du glacis est que l’on peut passer d’une couleur chaude à une couleur froide et les harmoniser pour éviter l’ennui.Une toile me demande entre huit jours et trois semaines de travail. J’aime parfois la cacher, me reposer, et la sortir à nouveau. Chaque tableau naît de croquis sur papiers que je réalise de mémoire d’après des impressions ressenties à la vue de telle ou telle chose.”
Qu’aime peindre Christian Vassort ?
“Les gens qui se fédèrent, qui se rencontrent, dans des parades , des banquets, des orchestres. J’aime les univers décalés, et les temps suspendus comme si les êtres étaient surpris dans leur pensée ou leur grain de folie. Ce que que je représente est-il ludique ou grave ? Je ne sais. Ce qui est pour moi certain, c’est que la peinture est un miroir que chaque spectateur reçoit à sa manière. L’essentiel est pour moi que le peintre communique et’ invite celui qui regarde à se laisser prendre au jeu ou à s’y retrouver. “
Un harmonieux grain de folie qui amadoue
A n’en pas douter, comme il le reconnaît lui-même, Christian Vassort aime le cinéma des années 50, les ambiances, les images arrêtées, les plans, les profondeurs de champ, les éclairages, la veine de l’expressionnisme allemand et le travail du décorateur Alexandre Trauner.
Auteur d’une pochette de disque pour le tubiste Marc Steckar et son Tubapack, de l’affiche Le carnaval des animaux pour le Théâtre Clin d’œil de Saint-Jean-de-Braye, Christian Vassort, qui nous amadoue avec ses personnages aux proportions étranges et harmonieuses, aux expressions malicieuses ou égarées, aux situations festives, bancales, tramées de drame comme dans le réel, prend aussi plaisir à répondre aux invitation de la ville d’Orléans et de l’Aselqo pour aller à la rencontre des élèves des établissements scolaires de tous les quartiers
Comme quoi, à l’image de son œuvre, l’atelier de l’artiste n’est pas une tour d’ivoire mais une porte généreusement grande ouverte sur la vie .
Jean-Dominique Burtin.
“L’Île aux chimères”, de Christian Grenier et Christian Vassort, éditions L’atelier du poisson soluble, 40 pages, 16€.
Du 9 au 11 novembre: 35e Salon d’Automne d’Amilly, espace Jean-Vilar, Amilly, 264, rue de la Mère Dieu. vendredi 9 novembre de 14 heures à 18 heures. Et les samedi 10 et dimanche 11 novembre de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures.
Entrée libre. www.peintureecrea.canalblog.com
Christian Vassort: http://vassort.christian.pagesperso-orange.fr
Christian Vassort expose en permanence aux galeries Pygmalion à Saint-Nazaire et Pensa à Thionville.