“My Revolution” s’ouvre et se ferme sur le témoignage d’un migrant venu du Darfour et passé par la Lybie. Bien sûr il peut nous parler de son vécu, de son esclavage, de sa survie grâce à sa connaissance des langues africaines, de sa traversée de la Méditerranée et des cadavres qui flottent, mais il nous parle maintenant de son présent, de sa relation à la culture européenne juste pour qu’on le regarde dans son humanité, dans sa perception du monde et de son avenir poétique.
Posé, fort et touchant à l’essentiel, ce témoignage “live” fait place à l’évocation burlesque, après une halte obligée pour une citation non signée du Che, du film “Viva Maria” tourné en 1965 avec deux incontournables stars françaises de l’époque: Brigitte Bardot et Jeanne Moreau. Coup de génie ou prémonition politique de Louis Malle, le film avait fait à l’époque un tabac commercial en évoquant une révolution fantasmée à coup de libération sexuelle et de slogans féministes, bref la reprise de ce pastiche (que l’on pourra revoir ce samedi aux Carmes d’Orléans) sous la forme d’improbables incrustations vidéo à la Jean Christophe Averty (autre star du petit écran de l’époque) n’atteint pas le niveau de dérision qui permettrait à cette citation filmique de prendre sa dimension de révolution joyeuse et dévastatrice.
Et après les kalachnikovs et bombes de pacotille, la pièce qui réunit quatre comédiens venus de quatre pays européens bascule dans des récits-témoignages parlés, d’abord de personnages issus du mouvement de 68 en Allemagne, Rudi Dutchke leader étudiant, et Ulricke Meinhof qui se suicida en prison après son action terroriste avec Andreas Baader. Après la lecture de la lettre à sa famille de Ian Palach avant son suicide à Prague en 1969, viennent des témoignages plus anonymes sur les événements qui précédèrent la chute du communisme, mais de ce patchwork mémoriel tissé de vécus individuels, “My Revolution” peine à construire le louable projet d’une lecture qui brise l’amnésie historique à laquelle la metteuse en scène, Sanja Mitrovic, souhaite s’attaquer. Le tableau final fait de pavés, de fumée et d’incendie de voitures, si évocateur soit-il, n’est qu’une image, “juste une image mais pas une image juste” (Godard)
Les révolutions se produisent, mais ne se reproduisent pas…
Gérard Poitou
“My Revolution is better than yours”
Théâtre d’Orléans du 13 au 14 novembre 2018
Avec Vladimir Aleksić, Jonathan Drillet, Maria Stamenkovic Herranz, Mohamed Nour Wana, Darya Gantura
Conception, texte, mise en scène et chorégraphie Sanja Mitrović
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