C’est à une lecture performance autour de la légende de la rockeuse Patti Smith (la marraine du punk comme dit Wikipédia) que nous conviait ce mardi soir le Théâtre de la tête Noire de Saran pour la “Septième vie de Patti Smith”.

Le spectacle est tiré du livre de Claudine Galea “Le corps plein d’un rêve” qui raconte le trouble d’une adolescente sans histoire, si tant est que ça existe, qui du coté de Marseille découvre dans les années 70 la voix de Patti Smith sur le vinyl d’une copine qui aime danser, ce que son corps à elle ne sait pas faire, et commence alors une fascination pour cette star irréelle et inaccessible qui transfigure l’adolescente jusqu’à la rencontre au concert parisien de 78 de la chanteuse mythique.
L’ado et la star
Ce texte intime, ciselé comme un poème en prose donne immédiatement prise à la mise en scène théâtrale avec ce personnage au trouble immature qu’incarne avec pudeur la comédienne, Marie-Sophie Ferdanne, avant de basculer dans l’autre récit, celui brillant de la star adulée, égérie de la beat generation américaine dont les musiciens entre deux accords de guitare électrisée nous livrent les noms devenus légendes. Mais Patti Smith, on le sait, refuse un beau jour ce statut de star qui la prive de ce qu’elle aime par dessus tout, la poésie, celle de Rimbaud bien sûr qui la rendit un jour célèbre avec le Velvet Underground, mais aussi de tant d’autres amis écrivains, mais aussi de la peinture, et tous les arts pour lesquels elle se livre avec passion.
Pathétique Patti
Alors vient ce texte magnifique de son renoncement à la scène, après le concert de Florence en 79, alors que 90.000 spectateurs scande “Patti, Patti, Patti…” elle décide en toute lucidité de rompre avec cette vie qui ne satisfait plus sa quête de liberté, avant de choisir de s’engager, comme avec ce texte de 2004 contre le président Bush dont on ne retirerait pas un mot aujourd’hui…
Deux vies, deux fragilités entre la star accomplie et l’adolescente en construction d’elle même, un grand écart que réalise avec un talent convaincant la comédienne, dans un dialogue qui sait laisser place à l’improvisation avec ses deux guitaristes dans ce “work in progress”, qui dérive parfois comme avec ce magnifique extrait de l’opéra de Bellini, “Casta Diva” interprété en hommage à la Callas.
Gérard Poitou