Il n’y a pas que les gilets jaunes à manifester leur mécontentement. Les avocats aussi. A Blois, vendredi 30 novembre, en grève des audiences, une trentaine d’entre-eux se sont rassemblés devant la préfecture pour lire un manifeste contre la réforme de la justice actuellement débattue au Parlement.

Les avocats du Barreau de Blois ont slamé devant les grilles de la préfecture.
« Nous sommes ici réunis car nous pensons que la réforme en cours de débat au parlement porte en elle un risque de désert judiciaire, d’entrave dans l’accès à la justice, et de renchérissement de son coût pour les justiciables » expliquait maître Hervé Guettard, bâtonnier en précisant que cette protestation publique s’inscrivait dans la cadre de la quinzaine de la mobilisation contre les violences conjugales.
Avec plus de 45 manifestations, celle-ci a connu un beau succès en Loir-et-Cher. En effet, le Procès fictif qi a eu lieu le 26 novembre dernier a été organisé par le Conseil départemental de l’accès au droit de Loir-et-Cher (CDAD 41). Mais pour les avocats, la réforme de la justice va à l’encontre de la cause de la lutte contre la violence faite aux femmes et constitue une régression majeure du droit des victimes.

Le bâtonnier Me André Guettard et Me Laurence Grenouilloux lors de la conférence de presse.
Les avocats remettent ainsi en cause le caractère, soi-disant protecteur, de la loi fondée uniquement sur des considérations budgétaires : fin des jurés pour juger des crimes (1), fin des procès réparateurs, plaintes en ligne, gestion administrative des affaires familiales par la CAF, recours à la médiation généralisées et payante pratiquée par des structures privées à distance.
« Aujourd’hui, les victimes de violence conjugale ont accès gratuitement lorsqu’elles n’ont pas de revenus à la justice et à l’avocat. Demain, qui financera la médiation préalable, obligatoire et payante ? L’État n’a prévu aucun système de prise en charge. Aujourd’hui, les pensions alimentaires sont fixées par le juge, demain c’est un ordinateur de la CAF qui décidera » déclarait maître Laurence Grenouilloux.
Marche forcée vers la dématérialisation
Nombreux étaient en tout cas les automobilistes et les passants à tendre l’oreille sur le texte « du slam « du barreau en fureur ». « Justiciable, je suis avocat, quand je pense à moi, je pense à toi. Je me bats pour l’état de droit, la justice sans âme, moi j’en veux pas. La justice sans juge ne passera pas », chantaient en chœur, sur l’air des Restos du cœur, la quarantaine d’avocats en robe noire et de représentants de différentes associations de soutien aux femmes victimes de violences.
« Aujourd’hui, une victime, sous l’emprise de son conjoint violent, souvent sous dépendance économique, a énormément de mal à franchir la porte d’un commissariat pour déposer plainte. Comment imaginer qu’elle puisse se confier à la plateforme en ligne de dépôt des plaintes ?”, dénonçait avec force une représentante du planning familial.
« Une justice efficace ne peut être dématérialisée. Ce texte piétine l’intérêt général. Nous demandons à ce qu’une délégation des avocats du Barreau soit reçue par le préfet » concluait le bâtonnier en espérant que les amendements des sénateurs ne soient pas annulés par l’Assemblée nationale. Et que le passage en force de ce texte, rejeté unanimement par les 180 barreaux français, ne se fasse pas au détriment des justiciables (2).
Jean-Luc Vezon
(1) Outre la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance, le texte de Nicole Belloubet prévoit l’expérimentation d’un tribunal criminel départemental en premier ressort pour juger des crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion.
(2) Alors que l’examen de la réforme est prévu en début de semaine prochaine, les avocats du Barreau blésois se réuniront lundi midi pour décider de la suite de leur mouvement.