Toiles de maîtres et tour de palettes aux Beaux-Arts d’Orléans

La figure féminine est assise dans un large manteau au drapé généreux,  motif apprécié par Santerre. Elle tient une palette, des pinceaux ainsi qu’un bâton d’appui, attributs de la peinture. Certains ont proposé de voir dans le personnage, le portrait de Marguerite Blanchot, élève et maîtresse du peintre, sans preuve. Plusieurs versions de ce tableau, don de la vicomtesse de Bizemont en 1825, sont connues,  dont celle conservée au Kunstmuseum de Bâle. Telle est cette “Allégorie de la peinture” peinte par Jean-Baptiste Santerre(1651-1717), l’une des toiles du Musée des Beaux-Arts d’Orléans où certains artistes sont représentés la palette et les pinceaux à portée de main.

“Allégorie de la peinture” de Jean-Baptiste Santerre.

A noter que cette huile sur toile jouxte l’œuvre d’un artiste  anonyme, à savoir celle d’un portrait d’apparat (vers 1710-1720) d’un sculpteur cette fois glorifié,  portant lui aussi les attributs de son art, massette (outil de percussion) et gradine (ciseau). Au musée, s’offrent  ainsi au regard des toiles où les artistes reviennent à l’essentiel de leur passion et de leur art, c’est à dire  à leur outil pareil à l’instrument de musique pour le musicien. Lors de cette déambulation dans les  étages du musée orléanais, à l’exception de celui du XIXe en cours de rénovation, voici  quelques toiles où  les peintres se représentent ou admirent leurs confrères, avec leur palette bien en évidence , source de couleurs et de mélanges contribuant à l’harmonie des toiles qui’ils font venir aux jours et à nos regards.

A la source des toiles, l’alchimie des couleurs 

Autoportrait de Marie-Victoire Lemoine (1754-1820)

D’une belle lumière est le portrait  du graveur orléanais Jean Moyreau (1742) peint par Donatien Nanotte. Assis dans un fauteuil accoudé à sa table de travail, le graveur  (1682-1762) nous présente une plaque de cuivre, résultat de son travail. Représentant son modèle avec tous les outils de sa pratique, Nonotte, explique le musée ” témoigne de l’évolution du genre du portrait au XVIIIe traduisant la recherche de la sincérité et l’émergence de la personnalité du modèle plutôt que les apparences et l’artifice”.

Trés joli est aussi l’autoportrait de Marie-Victoire Lemoine (1754-1820), œuvre dite ” Allégorie de la peinture” (vers 1785). Le sujet reste ambigu explique un autre cartel: “La femme porte à la fois toutes les caractéristiques d’une allégorie de la peinture et celles d’un autoportrait et il est difficile de savoir quelle était l’intention de l’artiste. La proximité avec l’autoportrait au chapeau de paille de Vigée-Lebrun exposé pour la première fois au Salon de la Correspondance de 1782, laisse penser qu’il a été réalisé rapidement dans les années qui ont suivi”.  En vérité, l’artiste mena une carrière très discrète, mais gageons que cette belle personne, l’une des accompagnatrices des collections,  ne perdit pas, malgré le temps, rien  de son charme décisif et saisi.

A l’école féminine du panorama

Portrait d’apparat d’un sculpteur du XVIIIe par un anonyme.

Dans ce qui semble  être un autoportrait réalisé entre 1790 et 1795 de Jacques Reattu (1760-1833),  les toujours scribes et précieux guides du musée, allant plus loin que la simple description,  expliquent  que l’artiste apparaît  plein d’assurance à un moment de sa vie où le Prix de Rome vient de le placer parmi les meilleurs espoirs de la peinture contemporaine: “Ici Reattu réalise un portrait avec un faire assuré et typique de sa manière large, très éloignée de celle de ses contemporains en Italie, tels François-Xavier Fabre et Louis Gauffier. Trés imprégné des idées révolutionnaires, il reçoit en 1795 la commande de dix tableaux monumentaux en grisaille illustrant des idéaux révolutionnaires pour le décor du Temple de la Raison”.

Plus loin, peut-être s’étonne-t-on, en regardant la toile de Léon Matthieu Cochereau (1799-1817), piéce peinte vers 1810-1815,  de l’auditoire très féminin qui assiste à ce cours donné par Pierre Prévost, le plus grand peintre du panorama de son temps et oncle de Mathieu Cochereau. Nouvelle explication du cartel qui donne les clés de l’ oeuvre : “En vérité, les femmes ne pouvaient copier d’après le nu, dés lors elles se tournent plus volontiers en peinture vers le paysage ou le portrait que vers  l’histoire dont une partie des sujets est interdite. Sur l’estrade, Prévost dicte les principes mis en pratique par les deux peintres dont l’un est Cochereau.”

En toute vérité

Jean Moyreau, graveur,   peint en 1742  par Donatien Nonotte.

A bien y regarder, en définitive, la toile “Autoportrait aux bésicles” de 1773,  pastel marouflé sur toile tendue sur un châssis de Jean-Baptiste Siméon Chardin, œuvre acquise en 1991,  semble regarder tous ces artistes et le visiteur des galeries du musée qu’il semble dévisager avec intérêt et douce interrogation. Bien entendu, aujourd’hui,  certains peintres contemporains continuent d’offrir leur autoportrait, questionnement, retour sur soi à partager de manière pudique et impérieuse.  A chaque fois c’est un aveu confiant.

A Orléans, le peintre Daniel Gélis, maître de Loire à l’intimisme quasi flamand, artiste dont les visions de la nature seraient peut-être ses autoportraits et qui s’apprête à fêter ses cinquante ans de carrière lors du futur salon des Artistes Orléanais et à exposer prochainement à la galerie L’Art Ancien,  s’est lui-même fait fait fabriquer une vaste palette à la Monet , inexistante dans le marché afin de retourner travailler loin de l’atelier et sur le motif .
Voici de jolies phrases de l’artiste, l’un de ceux qui participa à l’exposition collective des artistes régionaux, peu après l’inauguration  du nouveau musée  en 1984. A propos de l’autoportrait, voici ce que nous confie de manière toute personnelle  : “Les paysages que je vois sont des paysages rêvés. La réalité telle qu’elle est ne me suffit pas, je projette mon imaginaire sur un paysage dans lequel je me balade. C’est un autoportrait intérieur qu’est en fait le paysage que je peins. Souvent, en ce qui concerne les toiles relatives à la Sologne,  le personnage est absent puisqu’il est à côté de moi.”.
Jean-Dominique Burtin.

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