Poursuivant sa résidence au Théâtre Gérard Philippe de la Source, la Compagnie du Théâtre du Charbon revient à la Source le samedi 9 mars avec une représentation de la pièce d’Albert Camus écrite en 1949, “Les Justes”. La compagnie avait déjà présenté la pièce au théâtre Gérard Philippe en janvier 2018.

Image de la représentation de la pièce “Les Justes” par la compagnie du théâtre du Charbon en janvier 2018
Article du 27 janvier 2018
Le choix de mettre en scène aujourd’hui cette pièce qui raconte l’attentat commis à Moscou en 1905, par le groupe terroriste des socialistes révolutionnaires sur le grand-duc Serge peut surprendre après le quasi-oubli commémoratif de la révolution bolchévique de 1917. La réflexion de Camus sur la morale politique illustrée par ces faits réels échappe ainsi à son contexte historique et c’est sans doute la force de ce texte qui offre aujourd’hui une lecture décontextualisée en décrivant l’histoire d’un groupe de jeunes gens épris de pureté, en quête d’un idéal, révoltés par le cynisme de leur époque.
Ce questionnement sur nos valeurs, sur l’engagement et la lutte sociale retrouve dans la mise en scène de Thierry Falvisaner toute sa dimension politique en actualisant le texte de Camus: le décor s’offre d’abord comme une double métaphore, le laboratoire à gauche, sorte de lieu d’expérimentation morale et politique et à droite une collection de costumes travestissant les protagonistes au gré de leurs prises de position. Et puis il y a l’énergie des interprètes qui transforme la sombre cellule des terroristes en une incandescente lutte morale, dans un débat qui se déroule dans l’urgence de l’action: au nœud de cette distribution, la lumineuse Dora, celle qui aime celui qui va mourir pour ses idées, et qui le suivra dans la mort posant ainsi l’amour comme valeur absolue.
Cette réflexion sur le nihilisme de l’acte terroriste s’inverse brusquement avec le dialogue fantasmagorique dans sa mise en scène lugubre et le recours à des clones vidéo, dialogue entre l’épouse de l’archiduc qui marchande une hypothétique grâce contre une conversion du condamné en cellule: peut-on sacrifier sa vie pour la mort du tyran ?
Une pièce intense comme un pavé dans notre somnolence politique…
Gérard Poitou
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