La Scène Nationale a gratifié le public orléanais ce jeudi soir de deux spectacles d’exception dans sa série des Soirées Performances (9ième édition) qui se dérouleront jusqu’au 16 mars prochain au théâtre d’Orléans.
“Un autre Orlando”
C’est d’abord par un aussi somptueux que stupéfiant spectacle créé par le chorégraphe-danseur-chanteur François Chaignaud autour du personnage d’Orlando, le Roland mythe occidental du courage masculin, revisité par l’écrivaine Virginia Woolf comme nous l’explique le très documenté petit fascicule remis à l’entrée de la salle, qu’on lira tranquillement à l’issue de la représentation pour s’enrichir de toutes les références littéraires et musicales du spectacle. Mais quel spectacle !
Dans une série de trois tableaux, François Chaignaud nous soulève de notre fauteuil dans une évocation imaginaire de l’Espagne qui traverse les siècles dans une sorte de syncrétisme qui mêle tous les styles de danses comme de chants. Seul en scène, accompagné de quatre musiciens qui associent instruments anciens (guitares, théorbes, tambours) à la modernité expressive du bandonéon, le chant va traverser toutes les tessitures comme pour nous ensorceler par sa beauté, quand la danse fascine notre regard par sa précision rythmique: un plaisir total, jusqu’à cette évocation travestie de la puissance érotique de la gitane du flamenco qui dans son tableau final nous laisse époustouflés !
Et le public nombreux de la salle Barrault s’est levé pour ovationner cette performance musicale et chorégraphique exceptionnelle.
“Comment prendre soin de l’obscur” ?
Second spectacle de la soirée, dans une toute autre approche de la scène théâtrale, “Hymen hymne” proposait une sorte de cérémonie vocale où les cinq interprètes se fondent dans le public assis sur le sol après avoir déambulé parmi des petits papiers qui nous interrogent benoîtement sur “comment partir à l’aventure” ou “comment prendre soin de l’obscur”?…
La tension monte graduellement avec des visages qui s’éclairent par intermittence, des bruits qui s’amplifient dans un dispositif sonore envoûtant, jusqu’à cette mise en scène funéraire sublime ou insupportable selon notre sensibilité, avant cette étonnante danse sur une rythmique cardiaque sorte de nef des fous où les corps entrent dans une transe d’auto-cannibalisme angoissante.
Les applaudissements libèrent alors le public de cet étrange voyage initiatique…
(Spectacle repris ce vendredi soir)
Gérard Poitou