C’est dans le cadre des « Mardis du CERCIL » que le musée mémorial des enfants du Vel d’Hiv a accueilli le philosophe et historien Alessandro Guetta pour une conférence sur les Juifs en Italie au cours de la Renaissance. L’auteur du livre « Les Juifs d’Italie à la Renaissance » publié en 2017, est venu faire découvrir ou redécouvrir aux Orléanais le patrimoine et la culture juive du XVème au XVIIème siècle dans la péninsule italienne.

Alessandro Guetta pendant sa présentation
Alessandro Guetta, professeur de philosophie et de pensée juives à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris (INALCO), est un spécialiste de l’histoire et de la culture juive moderne. Il s’est particulièrement intéressé au cours de ses recherches à la période entre le XVème et le XIXème siècle en Italie desquelles a abouti la publication d’un ouvrage très détaillé intitulé « Les Juifs d’Italie à la Renaissance » en 2017.
Alessandro Guetta est donc venu présenter une infime partie du contenu de son livre ce mardi 2 avril au Musée des Beaux Arts d’Orléans devant une audience transportée en pleine Renaissance. Pour cette toute nouvelle conférence, le CERCIL a souhaité traiter d’un sujet bien loin de la Shoah et de la Seconde Guerre Mondiale afin de montrer la place prépondérante de la communauté juive dans l’histoire européenne moderne et plus particulièrement en Italie, berceau de la Renaissance où l’apparition d’une population juive remonte à plus de 2000 ans.
Les juifs italiens pendant la Renaissance: un poumon de l’économie

Le livre “Les juifs d’Italie à la Renaissance” écrit par Alessandro Guetta.
La conférence débute par une contextualisation de ce qu’était la vie de la communauté juive en Italie du XVème au XVIIème siècle. Alessandro Guetta nous apprend que contrairement à la situation juive dans d’autres pays européens comme la France ou l’Espagne, la cohabitation entre Juifs et Chrétiens n’était pas source de discorde en Italie du Nord. En effet, il apparaît incontournable de rappeler que l’Italie du Sud et la Sicile se trouvent sous domination espagnole dès la fin du XVème siècle qui entraînera l’expulsion de la population juive du Sud ou la taxation de celle-ci pour qu’elle puisse rester vivre sur ses terres. Au nord et au centre, bien que la communauté juive ne représente qu’un pour cent de la population, l’installation et la cohabitation de ceux-ci avec les Chrétiens est parfaitement orchestrée et réglementée. Effectivement, bien que les Juifs ne soient pas persécutés en Italie à cette époque, leur présence sur le sol italien est gérée par les autorités sous forme de contrats.
Les Juifs italiens s’installaient donc sur des terres grâce à des accords appelé « conduite » avec les villes et l’État qui instituait une durée d’installation, des obligations, des droits et des devoirs à la fois pour les Juifs mais aussi pour les autorités. On peut donc malheureusement désigner la présence juive en Italie pendant cette période comme un rapport de domination mais sans violence aucune envers ceux-ci. Leurs activités économiques, notamment en tant que prêteurs, étaient en réalité très demandées et avaient un effet très positif sur l’économie des régions où ils étaient installés. Ainsi, malgré le rapport de force en vigueur entre Juifs et État à cette époque, la communauté était bien intégrée et apportait un regain de vitalité à l’économie locale.
Le premier ghetto juif à Venise en 1516

Le ghetto juif de Venise
La situation va quelques peu basculer en 1516 quand le premier ghetto juif est organisé à Venise afin de réunir tout les juifs dans un même quartier. Ce phénomène s’est étendu à toute l’Italie du Nord dans les années suivantes jusqu’à ce que cela devienne une norme. Les historiens de l’époque tendent à qualifier le XVIème siècle de « légende noire » du fait de ces ghettos, mais les chercheurs contemporains travaillent à contrecarrer cette appellation car les Juifs étaient certes obligés de résider dans les ghettos mais ils n’étaient pas entravés ou maltraités.
Ces ghettos seront seulement ouverts à la fin du XVIIIème siècle par Napoléon au cours de sa campagne en Italie. Parallèlement, leur liberté de culte étaient tolérées si les juifs ne prenaient pas part aux pratiques et aux fêtes des Chrétiens de l’époque. Enfin en ce qui concerne la culture hébraïque de l’époque, on peut remarquer des fortes similitudes de pensée avec la culture italienne. Les textes juifs, certes animés par des références différentes des artistes et auteurs italiens chrétiens, sont le reflet d’une appropriation de l’art italien adapté à la culture juive.
On peut donc dire qu’à travers les âges, la culture et communauté ont su rester fidèles à leurs racines tout en s’ouvrant aux nouveautés de l’époque, en un mot, une culture juive : « moderne ».
Zoé Falliero