« Ce n’est pas pour me vanter, mais il fait chaud aujourd’hui ! » est une superbe réplique d’une comédie d’Eugène Labiche, qui lui est peut-être venue dans son bureau de la mairie de Souvigny-en-Sologne, qui sait ? Elle m’est revenue à l’esprit en entendant au Journal
télévisé la litanie des commentaires sur l’actuelle vague de chaleur.
Par Gérard Hocmard
On ne peut qu’être touché de la sollicitude des services de l’État soucieux de notre bien-être, qui nous prodiguent toutes sortes de consignes pour nous éviter de faire monter les statistiques de mortalité et d’admission aux urgences réunies. On comprend bien que tous les efforts soient faits pour atténuer la pénibilité de certains travaux en extérieur et pour veiller sur les êtres vulnérables, bébés, enfants, vieillards ou personnes isolées.
Je m’interroge cependant en entendant à la télévision des maires expliquer qu’ils ferment les crèches. Les parents amenés à trouver une solution de garde au dernier moment doivent apprécier et il n’est pas certain du tout que les bébés gardés par une grand-mère ou une voisine y gagnent en confort par rapport à la surveillance d’un personnel dédié dans un lieu où toutes les précautions possibles seront prises quitte à ce que la température n’y soit pas idéale. Je ne voudrais pas être désagréable, mais il y aurait là comme une ouverture du parapluie des responsabilités au nom du principe de précaution que cela ne m’étonnerait pas outre mesure. À la décharge des maires, il suffirait qu’un seul gamin ait un malaise pour qu’ils se retrouvent traînés devant un tribunal.
Pour ce qui est des écoles, il est cependant permis de s’interroger encore plus – question de logique – en entendant les mêmes maires ou d’autres annoncer qu’ils ferment les écoles mais ouvrent en compensation les centres aérés. Ah bon ? Parce qu’il y fait moins chaud ? La fermeture des écoles pour raison climatique me semble en tout cas devoir créer un fâcheux précédent. J’ai tout à fait conscience de devoir ici passer pour un vieux schnock, mais les gens de ma génération allaient à l’école par tous les temps, quand il gelait à pierre fendre avec des chaussettes de laine par-dessus les chaussures pour en pas glisser sur les trottoirs verglacés (hiver 54), par temps de canicule début juillet puisque l’école ne s’arrêtait officiellement que le 13 (été 52)… Souvenirs, souvenirs… Il n’était pas question de manque l’école sauf maladie ou événement grave survenu dans la famille. Et encore ! : le jour des obsèques de mon grand-père, j’ai été envoyé à l’école le matin puisqu’elles étaient l’après-midi.
Si nous allons au-devant des catastrophes, climatiques ou autres, que l’on nous prédit, est-ce la bonne façon d’initier à la résilience ? Supprimera-t-on, d’ici quelques années, trois jours d’école par ci, cinq jours par là, parce que le thermomètre est tombé sous zéro, a franchi les 30 degrés ou parce qu’on annonce une chute de neige (quitte à ce qu’elle ne vienne pas, comme cet hiver) ? Pour ce dernier cas, cela se pratique au Canada et aux États-Unis, où une chute de neige peut représenter plusieurs dizaines de centimètres. Mais alors les jours d’école manqués se rattrapent sur les vacances… Impensable ici, n’est-ce pas ?
Gérard Hocmard