A cinq mois des élections municipales, le projet de loi « engagement et proximité » qui a pour ambition de replacer les maires « au cœur de l’action publique locale » et d’enrayer la crise des vocations a été adopté au Sénat à une écrasante majorité. Porté par Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales, le texte a été examiné en première lecture pendant deux semaines par la Haute Assemblée, avant d’aller à l’Assemblée nationale, dans la deuxième quinzaine de novembre.

Les élus et surtout les maires se sentent dépossédés, déclassés, impuissants
Après l’agression mortelle du maire de Signes au début d’août, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales et donc très impliqué sur le sujet, avait lancé une consultation auprès des maires de France entre le 13 août et le 15 septembre. A plus de 50% ce sont les petits maires moins de 500 habitants, (143 pour la région Centre-Val de Loire) qui ont répondu faisant état de violences verbales, parfois physiques et se plaignant d’absence de protection juridique. Toujours “à portée d’engueulade“, selon expression chère au président du Sénat Gérard Larcher, les maires avaient par ailleurs fait entendre leurs nombreuses doléances pendant le grand débat national qui a suivi « l’entrée en scène des gilets jaunes ». C’est peu dire qu’il y a du blues dans les mairies. Baisse de dotations, « marche forcée » vers les grandes intercommunalités et aussi, dans une certaine mesure, défiance vis-à-vis du politique : les maires et plus généralement les 600.000 élus locaux, très majoritairement bénévoles, se sentent dépossédés, déclassés, impuissants.
Pas de grand soir mais des ajustements concrets
Le projet de loi ne promet pas le « grand soir ». Il cherche à replacer les maires « au cœur de l’action publique locale ». « Se relancer dans un grand ramdam du schéma intercommunal n’est souhaité par personne, mais il faut permettre des corrections là où il y en a besoin », a déclaré Sébastien Lecornu en introduction au débat.
Aussi, les maires voient-ils leurs prérogatives renforcées à l’égard des établissements recevant le public et des immeubles menaçant ruines. Ils auront désormais un pouvoir d’astreinte et d’exécution d’office et celui de fermeture administrative des débits de boissons actuellement dévolu aux préfets. Ils auront également le droit de prononcer des amendes administratives en cas d’occupation ou d’encombrement indus du domaine public représentant un risque pour la sécurité des personnes avec un montant maximal de 500 euros d’amende. En cas de non-exécution d’une mise en demeure, le maire pourra prononcer une astreinte maximale de 50 euros par jour pour un total plafonné de 1500 euros.
Sont également proposés des facilités pour mutualiser les polices municipales et les gardes champêtres qui devenus intercommunaux pourront, de ce fait, intervenir dans les communes membres si une convention a été signée entre l’EPCI et les communes concernées. Sous l’impulsion du Sénat est envisagé un rééquilibrage des relations communes/intercommunalité, « une intercommunalité à la carte sans transfert obligatoire des compétences eau et assainissement ». Ces derniers points ont reçu l’approbation de l’Association des maires de France (AMF) et un avertissement du ministre : « gardons-nous de créer en droit des libertés qui soient trop théoriques », a-t-il dit.
« Cette loi constitue-t-elle une révolution ? Non!
Sur la question épineuse de la revalorisation des indemnités des maires et adjoints des petites communes (jusqu’à 3.500 habitants), gouvernement et Sénat proposent des dispositifs différents, le premier avec un barème unique, le second avec des seuils. “On va laisser la navette (parlementaire) se faire“, a indiqué le ministre, souhaitant aboutir à une solution la plus consensuelle possible.
Pour concilier mandat local et vie professionnelle et personnelle, le projet de loi prévoit une prise en charge des frais de garde des enfants lors des réunions ou un droit à la formation. Le Sénat a également musclé le volet renforçant la protection juridique des édiles et leurs pouvoirs de police et a adopté plusieurs dispositions favorisant la parité.
« Cette loi constitue-t-elle une révolution ? Non, et personne ne le demandait“, a déclaré le président du groupe Indépendants Claude Malhuret. Il s’est attiré un tonnerre d’applaudissements lorsqu’il a évoqué la loi NOTRe, dont le texte entend gommer les « irritants ». On pourrait la résumer, a-t-il ironisé, par l’expression « Chéri, j’ai rétréci les maires », un peu moins, semble-t-il avec ce projet de loi.
F.C.
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