Des associations orléanaises productrices de spectacle s’impatientent…

Tiens ! C’est les élections ! C’est fou ce qu’à cette occasion, tout le monde est écouté. Dans le domaine de la culture, les associations orléanaises qui passent leurs années à semer aimeraient prendre les candidats aux mots et enfin récolter la mise en place des projets qu’ils avancent depuis si longtemps…et qui sont comme par miracle dans les programmes de diverses listes. Mais une certaine méfiance règne (chat échaudé…), tant elles ont attendu les éléments dont ils ont tant besoin : travail confiant et dans la durée, moyens correspondants à leurs projets, interlocuteur unique, travail reconnu à la hauteur de leur savoir faire, et, avant tout peut-être, un projet culturel ambitieux digne de la ville centre d’une métropole de 300 000 habitants.

Brigitte Fontaine aux RAMI 2019 cl Marie Line Bonneau

Qu’on ne se méprenne pas : les associations qui témoignent ici (*) sont aidées, financièrement et/ou matériellement par la mairie ( à des degrés très très divers) et s’en réjouissent. Ce qui les réjouit moins, c’est l’éternelle insécurité dans laquelle certaines se disent être “baladées”, dans une ambiance culturelle floue.

Insécurité financière pour certains

Loin des grosses machines façon Zénith, et ses milliers de spectateurs, loin des grosses structures subventionnées (parmi lesquelles la structure privée, le CADO !), en marge des délégations de service public comme l’Astrolabe, qui attend de son côté de savoir ce qu’il adviendra de l’hypothétique cité de la musique, ce sont elles qui au long de l’année cultivent la nouveauté, la curiosité, la recherche, la convivialité, en prenant parfois des risques financiers très importants, parfois sur leurs deniers personnels, en tout cas en « serrant les fesses » à chaque festival, à chaque spectacle, à chaque pari.

La baisse du budget orléanais de la culture entraîne le système D, et nos spécialistes du spectacle se sont fait spécialistes de la buvette! Ces lieux de convivialité, supports de propositions musicales attenantes, sont une source de revenus certaine, que la mairie concède après négociation, en mettant parfois les associations en concurrence, et en oubliant que c’est autant de moins qu’elle versera à l’heureux gagnant. Ainsi, ABCD dit ne toucher aucune autre aide pour programmer des groupes à Jazz à l’Evéché… mais doit financer une grande partie de son Festival de Travers avec cette manne, apportée par une troupe de bénévoles. Et ceux-ci fatiguent parfois jusqu’à refuser d’assurer une intervention de plus, comme au festival de Loire, trop immense, et dont la société organisatrice réclamait des milliers d’Euros juste pour l’emplacement. Adieu donc la petite scène de « La belle équipe », et donc une proposition culturelle de moins dans ce lieu bientôt mangé par les vendeurs de spécialités régionales et les stands de sponsors.

Devoir toujours se justifier

Le festival de Loire … Nos associations s’étonnent de concert que la programmation en soit confiée à une société de Rennes, qui proposent bon nombre d’artistes… du centre Val de Loire ! Comme si des professionnels avec parfois 35 ans d’expérience ne savaient pas le faire (surtout avec le budget alloué). Mais cette question échappe au service culturel de la ville, puisque c’est la direction de l’événementiel qui gère le dossier.

La fin des très populaires samedis du jazz

La question des querelles de clochers entre services ou élus, ou de la multiplicité des interlocuteurs, revient souvent dans les agacements des associations, elle débouche sur celle de la confiance et celle de la place accordée à des structures qui ont pignon sur rue depuis des lustres. L’impression de devoir toujours se justifier à travers appels d’offre et paperasserie est un leitmotiv des associations, y compris, pour DEFI, malgré un travail reconnu dans le tissu local.  Il faut des années de relation pour instaurer une relation suivie avec les instances officielles, comme le dit Pierre Perrault, et à chaque changement de chef de service, tout est à refaire.

Le régional de l’étape

Mais LE gros morceau est pour ces associations le rôle de faire-valoir que certaines d’entre elles ont l’impression de jouer. Comme si « il fallait bien » trouver une place aux acteurs locaux. Quitte à leur faire jouer les variables d’ajustement. Au festival Jazz à l’évéché, le programmateur en chef, venu de Marseille, fait jouer son carnet d’adresse – jugé parfois comme ayant un rapport assez élastique au jazz- sur la grande scène, et réserve aux autres co-organisateurs la fameuse Caravane de 4 m2 dans des conditions que d’aucuns ne peuvent plus supporter. C’est ainsi que la très jazz- militante O’Jazz avait décidé de cesser toute collaboration dans le festival, et que Gé Bedu a mis fin à ses souffrances. Dedans ? «  on est sommé de faire du local » dit-on à ABCD. « Vous êtes du Mans ? Trop loin ! Ça confine au ridicule».

La Scène de la “Caravane”cl Marie Line Bonneau

C’est l’une des contradictions dans lesquelles les associations se disent coincées. Revendiquant une action envers les formations locales ou régionales face à l’amicale pression des tourneurs nationaux, nos passionnés ont le sentiment de se retrouver souvent en position de sympathique régional de l’étape. Ce qui implique bien sûr d’être moins cher ! « Les groupes doivent-ils prendre une fausse adresse pour être payés correctement ? » rit-on chez DEFI.

Illisibilité de la politique culturelle

Ou bien cette question n’est-elle en fait que LA question de la politique culturelle de la Mairie (et de bien souvent celle de toutes les mairies) ? Les mots « art », « beauté » « émotion », «  recherche » se lient à « fête », « événement », « animation », en une sauce dont – avouons-le – il n’est pas toujours facile de déterminer les ingrédients, et les proportions. Les décideurs peuvent avoir tendance à bien mélanger au shaker. Et la lisibilité de l’action culturelle est faible, faute de vrais choix et d’ambition, d’après certaines associations.

Pourtant les propositions et les projets existent : créer des lieux de spectacles de taille moyenne ou petite de qualité correcte (ah ! Le folklorique garage du 108 ! ), mais pas seulement . Defi veut créer les « tiers-lieux », plateformes équipées et destinées à des activités transversales (tous arts), Gé Bedu milite pour une multiplicité des lieux de représentation de jazz dans un vrai festival, multiple, exigent et populaire. Chacun y va de sa pierre (parfois contradictoire avec celle du voisin).

Et chacun de constater que les projets de la ville virent parfois à de longs et lancinants feuilletons : ils se souviennent du théâtre du Parc Pasteur, des allers et retours du Festival de Jazz, et ont la Vinaigrerie en ligne de mire.

En fait, les associations, souvent ravies d’être là, ne demandent qu’une chose : faire de la culture, donc partager leurs émotions. Et cela demande de l’honnêteté. Comme pour tout partage.

* Les 4 associations organisatrices de spectacles rencontrées, que nous pensons représentatives des acteurs locaux du milieu, sont :
-DEFI, installé au 108, 5 salariés, grand travail d’encadrement technique musical et scénique dans les quartiers, un évènement par mois, un festival par an ;
-ABCD, jusqu’à 80 bénévoles, organise deux festivals par an et en coorganise deux autres ;
Le Nuage en pantalon, Gé Bedu, intermittent du spectacle, vient de jeter l’éponge après avoir organisé un festival régional pendant 5 ans, puis la programmation d’un célèbre bar, puis mis en place de nombreux évènements jazzistiques et de musiques improvisées depuis 15 ans ;
Loges Production, petite structure dans laquelle Pierre Perrault soutient des artistes, organise un (encore) petit festival de chanson française, après en avoir dirigé un gros.

Olivier Couverture

Commentaires

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  1. Bonjour,
    Je tiens à témoigner ici en tant qu’artiste, intermittent du spectacle. Je travaille (entre autre) avec la compagnie Brouhaha qui soutien mes spectacles : Scapin au jardin (Sept années d’existences, 143 représentations, spectacle primé en Chine “the best creativity Award”) spectacle que je joue dans le monde entier (il existe une version anglaise) …nous faisons tout cela sans subventions (même si nous en faisons la demande) mais on existe encore et toujours et on se produit même dans les collèges avec Molière !
    et j’irai au OFF d’Avignon en 2020 avec ma prochaine création (Tartuff’ries ou comment Tartuffe a fomenté le monde actuel ! ) spectacle nominé “aux ptit’s Molière d’Avignon 2020” …et tout ça, sans subventions (même pas celle de la région…) donc vous voyez, quand on a la passion, on avance malgré tout, parce qu’on a des propos à défendre, des valeurs, des destins d’hommes et de femmes…mais jusqu’à quand?

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