Cette année restera décidément dans les annales. Alors qu’Agnès Buzyn, désormais très disponible, venait de donner son accord pour participer aux traditionnelles fêtes johanniques – sans doute pour tenir le rôle de l’âne de l’héroïne, tous les chevaux étant confinés – on apprend de source sûre que les fêtes se dérouleront au mieux à huis-clos.
Jeanne d’Arc 2019 © Marie-Line Bonneau
Afin d’atténuer la frustration des Orléanais, privés du plaisir de regarder défiler l’autre moitié des habitants de la ville, Benjamin Griveaux aurait postulé pour tourner l’intégralité de la procession laïque, affirmant avoir l’expérience des captations vidéos serrées et tenir la situation bien en mains. Pour les commentaires, Stéphane Bern aurait accepté, à condition de recevoir le masque et la plume.
Autre postulant, lui, déçu, Yann Moix, confiné comme toute la communauté cathodique, ne pourra remplir sa promesse de venir « cracher sur ma ville natale de merde, sur mes bourreaux de parents et péter la gueule à mon frère… ». On reconnaît ici le génie de notre écrivain national, que son style situe déjà au niveau des plus grands, entre Céline, Claude François et Didier Raoult.
Reste l’essentiel : quel invité officiel ? Mais aussi cette année, une fois n’est pas coutume, quel maire pour présider les festivités ?
L’invité officiel était tout trouvé, puisqu’en cette année de Brexit, Boris Johnson avait accepté avec joie de mêler sa crinière à celles des chevaux de la garde républicaine, afin de « prendre enfin notre revanche sur cette pimbêche bruxellophile, cette Européiste plus pénible que Loiseau, Van der Leyen et Merkel réunies ! » Malheureusement, la pandémie en a décidé autrement, contraignant « Bojo » à rester enfermé au 10, Downing Street aussi sévèrement confiné qu’un pangolin qui se risquerait à prendre l’apéro chez un panda de Beauval.
Face à cette défaillance de dernière minute, beaucoup d’idées ont émergé ces dernières heures. Serge Grouard a proposé que toutes les têtes de liste se réunissent pour décider de concert qui de Muriel Sauvegrain, de Valérie Corre, de Dominique Tripet ou de Nathalie Kerrien incarnerait l’héroïne. Pour l’invité, la liste LFI, qui n’a pu se présenter, a proposé de réunir une Assemblée constituante avant de procéder à un tirage au sort parmi les gilets jaunes authentifiés et les victimes recensées des violences policières et de la « justice politique ».
Le Rassemblement national a proposé qu’un convoi sanitaire transporte Jean-Marie Le Pen de la place des Pyramides à celle du Martroi pour un ultime hommage, ou bien, à défaut, de délocaliser, à titre exceptionnel, la fête à l’île d’Yeu, autour de la tombe du Maréchal Pétain, avec pour slogan : « Qui peut se dire plus anglophobe que lui ? »
Contacté par notre journaliste sportif, Jean-Michel Aulas a préconisé « une année blanche pour les fêtes de Jeanne d’Arc », de reprendre le casting de l’an dernier mais en remplissant cette fois les tribunes et les caisses du parc OL. Thiago Silva, depuis son bunker antiatomique au Brésil, a déclaré ne rien avoir contre cette solution, du moment où on ne lui demandait pas de revenir en France assister à la remontada de Jeanne d’Arc contre la Première League.
Un consensus semblait se réaliser sur l’invitation exceptionnelle d’un invité religieux, tel Mgr Baudrillard en 1936, afin d’implorer le pardon de Dieu, la fin des calamités provoquées par « l’esprit de jouissance » et par « ces mensonges qui nous ont fait tant de mal ». L’ex-cardinal Barbarin, contacté, aurait consulté le père Preynat, mais, « grâce à Dieu », aurait refusé, la majorité des faits d’armes étant désormais prescrits.
Impasse totale, solution originale
Alors que l’impasse était totale, Jean-Philippe Grand a mis tout le monde d’accord en proposant une solution originale : une même personne pour incarner l’héroïne et l’invitée. Greta Thunberg viendra place du Martroi planter un arbre pour rompre l’excès de minéralité et servira un repas bio à tous les participants à la cantine de l’école Saint-Marceau.
Reste le casse-tête du maire. Magnanime, Olivier Carré, pleinement en fonction jusqu’à l’élection de son successeur, a généreusement proposé qu’à l’instar des fêtes de 2012, où Serge Grouard avait invité ses prédécesseurs immédiats, le docteur Bernard et Jean-Pierre Sueur, non pas un mais trois maires organisent les fêtes et prennent la parole cette année : Jean-Pierre Sueur, Serge Grouard et lui-même. Dans la foulée de son acceptation immédiate, le sénateur socialiste du Loiret a d’ailleurs annoncé sa candidature à la mairie d’Orléans, tenant ainsi sa promesse de ne pas rempiler lors du prochain renouvellement du Palais du Luxembourg.
La situation sanitaire exceptionnelle étant malheureusement partie pour durer, le casting de l’an prochain a déjà été évoqué : VGE viendrait une 3e fois, après 1970 et 1979, présider la journée, à condition que Meghan Markle vienne incarner l’héroïne, en auto-stop, et que la fête donne lieu à un documentaire co-signé par Roman Polanski et Woody Allen. Renouant avec la contre-culture post-68, une contre-fête est en préparation, avec Adèle Haenel et Virginie Despentes aux manettes, histoire de tirer des plans (B) sur la Comet.
Siméon-Denis Poisson