Les jeunes délaissaient la télévision pour les séries et les films sur leurs ordinateurs. Ils ne lisaient plus la presse écrite dont les tirages diminuaient, même pas numérisée. Les réseaux sociaux informaient tellement mieux ! Bref, ce monde d’expression de l’ancien monde était en déclin, du moins jusqu’à ce que le covid 19 confine la population mondiale ou presque. Et, surprise la petite lucarne est revenue en faveur au galop : 37 millions de téléspectateurs hexagonaux se sont installés devant elle pour la dernière allocution du chef de l’Etat.
Les journaux télévisés, eux aussi, ont retrouvé de l’audience : depuis le début du confinement, en moyenne 25 millions de téléspectateurs regardent et écoutent chaque jour les journaux télévisés des principales chaînes historiques : Ils n’étaient que 15 millions à la même période de l’an passé. C’est tout simplement prodigieux !
Est-ce parce que le téléviseur dans chaque appartement ou maison est un rassembleur pour les familles confinées ? Est-ce parce que les journaux télévisés se tiennent à l’heure des repas quand la famille se retrouve autour de la table familiale ? Comme moi, mes amis interrogés reconnaissent avoir abandonné les chaînes en continu qui ressassent. L’information a besoin d’être digérée, pensée par chacun. Les radios ont également augmenté leur écoute. Elles sont un suivi facile de l’actualité en temps réel, en même temps qu’on effectue un autre travail.
Du côté de la presse écrite d’information, on observe aussi un rebond. Le journal Libération enregistre une forte hausse de ses abonnés numériques (près de 20 000 en un mois selon une source interne), et devrait dépasser avant l’été l’objectif qu’il s’était fixé pour l’année entière. Le Monde aussi progresse fortement comme le JDD. En région, dans leur ensemble, les habitants estiment que la presse quotidienne de leur région « fait bien son boulot, qu’elle est très présente ». Ils s’en montrent très satisfaits. De ce côté-là aussi, les tirages et les abonnements numériques ont augmenté.
Cette augmentation généralisée des audiences est d’autant plus surprenante que depuis une bonne décennie et plus encore ces derniers temps avant la crise, la confiance dans les médias n’a cessé de s’estomper. Faut-il voir dans ce retour en grâce un effet positif de l’abominable pandémie ? Dans une situation instable et anxiogène où ils naviguent à vue, les êtres réagissent comme ils l’ont toujours fait. Ils recherchent la stabilité, se rapprochent de ce qu’ils connaissent, de ce qui leur donne un ancrage et laissent de côté les flots d’informations contradictoires, les y a qu’à, les faut qu’on. Dans l’information comme dans le sanitaire ils préfèrent les valeurs refuge.
Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’il faut prendre les informations en provenance des médias « établis » comme une valeur définitive, loin de là. Ils commettent des erreurs et parfois grossières, la dernière en date dont je me souviens étant l’arrestation de Dupont de Ligonès. Comme gag journalistique on fait difficilement mieux. Je ne peux également oublier qu’en janvier-février, les plateaux télévisés donnaient largement la parole à des experts plus ou moins renseignés qui de façon péremptoire assuraient que le coronavirus n’était rien qu’une “grosse grippe”.
Il n’en demeure pas moins que lorsqu’on veut être informé sur ce qui se passe en Chine ou s’y est passé, il vaut mieux écouter la journaliste permanente d’Europe 1 en Chine et l’envoyé spécial de France 2 à Wuhan que les élucubrations de ceux qui connaissent quelqu’un qui est installé à Pékin ou à Hong Kong.
Face aux déversements d’opinions plus ou moins établies et des assertions non vérifiées sur les réseaux sociaux, les médias ont l’immense qualité d’apporter de l’information et non de la communication. Un journaliste qui connaît son sujet, qui a enquêté et recoupé ses sources peut dire en toute honnêteté. « C’est compliqué, il faut attendre pour voir, voilà ce qu’on peut dire aujourd’hui ». C’est son honneur.
F.C.