Douceur et frénésie avec La Rêveuse à la scène nationale d’Orléans

Un moment d’exception, comme la Rêveuse sait en créer, a eu lieu ce jeudi 8 octobre à la salle Vitez du grand théâtre d’Orléans.

La Rêveuse, le 8 octobre 2020 au théâtre d’Orléans. Causerie avec le public à l’issue du concert. ©AC Chapuis

Londres 1720

Le décor est planté mais ne nous y trompons pas ! L’Angleterre de 1720 se passionne pour les musiques italiennes et ouvre largement ses frontières aux plus grands talents de l’époque tels que Corelli, Geminiani, Sammartini.

Le programme fait donc la part belle à l’Italie, avec des compositeurs des plus connus comme Georg Friedrich Haendel, européen avant l’heure puisque sa carrière se décline en Allemagne, en Italie et en Angleterre, mais aussi avec d’autres musiciens de l’époque comme William Babell ou Giuseppe Sammartini.

Six musiciens nous accueillent avec simplicité et chaleur. Florence Bolton (viole de gambe et co-responsable de l’ensemble) crée le contact en donnant quelques éléments du contexte historique, façon « résumé des épisodes précédents », brossant un rapide tableau du paysage musical de l’Angleterre du XVIIIe siècle, avec ce qu’il faut d’éléments techniques pour une « mise en appétit » du spectateur.

Puis la magie s’installe

Dès la première note, la musique est là, précise, fine, prenante. Le concerto II opus 3 de William Babell pour sixth flute permet d’entendre cet instrument typiquement anglais à la tessiture de sixte (d’où le nom) dans une belle alternance d’effets recherchés, comme ce grand unisson de tous les instruments en début de deuxième mouvement ou le solo de flûte accompagné par les deux violons qui tiennent un rôle de basse continue.

Avec la sonate en trio de Haendel, la guitare baroque fait place au théorbe et les six musiciens déploient toute leur palette de musicalité et connivence, laquelle se teinte de malice dans les interventions subtiles lors d’un quatrième mouvement qui invite à la danse.

Après un concerto pour flûte en Fa Majeur de Sammartini (à noter un joli final en ternaire) Haendel reprend le devant de la scène avec la sonate V opus 2 que les musiciens surnomment « la sonate des doubles croches » Et de fait ! Quelle virtuosité ! Les archets se déchaînent, tout en détaché bien sûr, la frénésie est sans faille et tourbillonne de façon époustouflante.

Pour terminer, la Rêveuse, qui va loin dans ses recherches et son exploration des habitus musicaux de l’époque, propose un arrangement d’un air tiré d’un opéra de Haendel, Admete : une pratique courante qui montre l’attrait des opéras en vogue au XVIIIe siècle, et la grande inventivité des musiciens qui savaient bousculer les cadres dans un seul but, découvrir et faire découvrir la musique.

Une rencontre marquée par l’authenticité et le partage

En attendant le concert de la Rêveuse, théâtre d’Orléans 8 octobre 2020 ©AC Chapuis

La salle Vitez est parfaitement adaptée à cette véritable rencontre, par sa taille, son acoustique et la proximité qu’elle permet avec ces instruments intimistes. Et le spectateur ne s’y trompe pas, réservant un accueil chaleureux à ces musiciens communicatifs et soucieux de leur public. Le concert se prolonge par un bis (une belle pièce en mineur de Sammartini) et une causerie entre musiciens et spectateurs.

On y apprend des détails sur les quatre flûtes jouées par Sébastien Marq lors de ce concert, puis, en toute simplicité, chaque instrumentiste parle de son parcours et de ses choix. Souvent le déclic s’est fait lors d’un événement : Jean-Miguel Aristizabal était pianiste et a entendu un concert de clavecin à la radio, Florence Bolton a eu un coup de cœur avec Atys de Lully par les arts Florissants, pour Stephan Dudermel et Ajay Ranganathan, violonistes, c’est la rencontre avec un professeur ou « une autre façon de jouer ».

Et le mot de la fin revient à Benjamin Perrot, qui est passé par la guitare classique, le jazz, le blues avant la révélation du théorbe : « Le classique m’a apporté la rigueur et la technique, la guitare électrique m’a apporté le rythme, la spontanéité et l’improvisation, tout ce qui fait les composantes essentielles de la musique ancienne. »

Un moment d’exception dans la cour des grands, de plaisir et de rêve, qui peut se prolonger avec la discographie dont nous régale la Rêveuse. A consommer sans modération !

Anne-Cécile Chapuis

Florence Bolton et Bejamin Perrot, direction de la Rêveuse. ©Jean Dubrana

Actualité discographique : CD London Circa 1720- l’héritage de Corelli (diapason d’or, choix d France Musique et Musiq3/RTBF) chez Harmonia mundi.

Plus d’infos : ensemblelareveuse.com

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