Orléans. Depuis un mois, les intermittents se sont installés au Théâtre pour protester contre l’indifférence des décideurs du secteur de la culture, qui fonctionne largement avec le travail de nombreux précaires. Dans les mêmes lieux, des spectacles se montent parce qu’ils étaient prévus de longue date. Dont Adeno Nuitome, que le public aurait du découvrir ces jours derniers au CDNO.
Les intermittents occupent toujours le Théâtre d’Orléans, comme une centaine de lieux culturels français. Depuis le 12 mars, donc presqu’un mois, ils ne cessent de crier leur colère pour tenter de sauver quelques bribes de leurs métiers. Réunion de plusieurs syndicats, cette occupation affiche parfois ses revendications sur l’écran numérique du théâtre.

Photo Cran
Rappelons que la fameuse année blanche octroyée par le gouvernement ne réglera pas grand chose. Personne ne pourra justifier du travail nécessaire pour toucher l’intermittence en septembre. C’est pourquoi ils ne restent pas les bras croisés, mais lancent des actions en ville. Ce vendredi 9 avril matin, par exemple, ils ont dressé trois « scènes de crime » devant les permanences de partis politiques (PS, LR et LREM). Marques au sol à la craie, corps étendu sur le trottoir et rubalise. Ils ont ensuite donné un « rappel » à Pole emploi qu’ils avaient envahi quelques jours auparavant. Ce vendredi, les tambours ont sonné autour des locaux. Et ensuite, ils ont organisé, place de la République, un test PCR, « pour ou contre la réforme » de l’assurance chômage. Ce nouveau « vendredi de la colère » a été bien rempli.

Photo BC
En même temps, des créations de spectacles
Les structures officielles qui travaillent au carré Saint Vincent continuent bien sûr leurs activités. C’est ainsi que le CDN a proposé jeudi et vendredi, pour un public de professionnels, puisque la formule est maintenant consacrée, Adeno Nuitome, un texte de Lola Molina monté par la Compagnie Lela basée à Vierzon. Une résidence d’une dizaine de jours au CDNO leur a permis de proposer cette première.

Antoine Sastre et Camille Garcia
Le texte de la jeune dramaturge, très écrit, très travaillé, passe la rampe sans efforts. C’est une narration de lui (joué par Antoine Sastre), d’elle (Camille Garcia), qui racontent leur vie, parfois discutent mais le plus souvent se racontent eux mêmes : couple trentenaire d’artistes, lui créateur de lumières et elle de texte, que la maladie a poussé à venir s’installer à la campagne. Jeunes, modernes, et confrontés soudain à la mort. Ils tentent de (nous/se) raconter leur amour fou, vécu dans un quotidien qui le sort de la folie, qui le banalise. La pièce installe un lieu de parole intime qui lutte contre le silence de la fin. D’ailleurs c’est lui qui terminera ce texte.
Cette tentative de retrouver la nature, l’essentiel, est très bien servie par un dispositif scénique simple, efficace, avec des vidéos pour une fois montrant du hors-scène, des arbres, de l’eau, et avec des ponctuations musicales séduisantes. Les acteurs sobres rendent crédibles ces personnages qui nous ressemblent.
La troupe ayant une assise régionale, on espère qu’elle trouvera de nouvelles dates cette fois ouvertes au public réel !
Bernard Cassat
Adeno nuitome

Lola Molina, autrice et Lelio Plotton, metteur en scène
Photo Compagnie Lela
Mise en scène Lelio Plotton
avec Camille Garcia et Antoine Sastre
Scénographie Adeline Caron
Création sonore Bastien Varigault
Création vidéo Jonathan Michel
Création lumière Maurice Fouilhé
Le texte de Lola Molina qui a reçu le soutien du Centre National du Livre a été publié aux Éditions Théâtrales en mars 2021.
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