Il fut un temps où les enfants rêvaient de devenir professeur, chirurgien ou astronaute. Aujourd’hui nombre d’entre eux aspirent à devenir influenceurs sur les réseaux sociaux. Loin de créer du lien, ces plates-formes enferment les ados dans des bulles numériques, les éloignent du réel et engendrent une dépendance parfois plus puissante que celle induite par le trafic d’un dealer d’un quartier nord de Marseille.
Ados “sur” leur smartphone (Image Freepik)
Par Jean-Paul Briand.
Cette addiction aux réseaux sociaux est savamment orchestrée. Alimentée par des algorithmes conçus pour maximiser l’engagement et la dépendance, elle agit comme une dopamine numérique en libre-service. Les contenus, accessibles 24 heures sur 24, sont accompagnés de notifications qui rappellent sans cesse à l’utilisateur que sa valeur se mesure au nombre de « likes », de commentaires et de vues qu’il génère.
Une épidémie silencieuse de solitude
Il paraît que la jeunesse vit dans l’ère de la communication. Faux. Elle vit dans l’ère de la connexion, ce qui n’a rien à voir. Les ados passent une partie de leur vie à « interagir » avec des profils, des avatars, des pseudos, pas avec des humains. Ils ne parlent plus. Ils s’envoient des « posts » sur un forum ou un blog. Cette dépendance numérique délétère empiète désormais sur des activités essentielles comme le sommeil, l’exercice physique et les interactions sociales authentiques.
Une équipe de sociologues et de psychologues de la Baylor University au Texas, vient de publier ses travaux. Ils démontrent qu’il existe, dans la population générale mais surtout chez les plus jeunes, un lien significatif entre l’utilisation des médias sociaux et le sentiment de solitude. Les chercheurs, qui ont étudié pendant trois années près de 7 000 utilisateurs réguliers de médias sociaux, parlent d’une authentique et silencieuse « épidémie de solitude » impactant la santé mentale des plus jeunes, quelle que soit la qualité des échanges.
Que ce soit Facebook, Reddit, X (ex Twitter), Youtube, Instagram, Snapchat, TikTok et bien d’autres, ces plateformes embauchent des armées d’ingénieurs pour obliger constamment à « scroller ». Leur souci n’est certainement pas la protection de la santé mentale des mineurs. Les géants du web n’ont que faire du mal-être adolescent tant qu’il fait grimper le taux de visionnage et remplit leurs caisses. Le mal-être d’un ado de 14 ans n’empêche pas de lui faire subir la pub pour des sneakers dernière mode ou pour un jeu vidéo ultra-violent, bien au contraire.
Une défiance envers la connaissance scientifique
Et les parents ? Et l’État ? Et l’école ? Sont-ils tous dépassés, aveugles, trop occupés ou complices ? TikTok et consorts sont devenus des salles de classe parallèles où une désinformation confondante, du paranormal déjanté et un complotisme débile règnent en maître. Une enquête commandée à l’Ifop auprès des jeunes a mesuré la porosité des contre-vérités scientifiques au regard de leur usage des réseaux sociaux. Cette étude a tristement démontré une défiance, chez une partie de la jeunesse, envers la connaissance scientifique et son adhésion à des croyances irrationnelles, tout particulièrement chez les jeunes qui utilisent assidûment les réseaux sociaux.
Le culte du buzz et de l’émotion instantanée
Les risques ne s’arrêtent pas là. Les plus jeunes, encore en pleine construction cognitive et émotionnelle, sont exposés à des contenus violents, sexuels ou haineux, souvent sans modération ni encadrement. Le cyberharcèlement prospère. Les prédateurs y trouvent des proies vulnérables, d’autant que de nombreux adolescents partagent, sans conscience des conséquences, des données personnelles sensibles.
Évidemment, tous les réseaux ne sont pas le diable en Wi-Fi. Il existe des contenus intelligents, des créateurs inspirants, de vrais espaces d’expression. Malheureusement, l’exception ne fait pas la norme. La règle sur les réseaux sociaux, c’est le culte du buzz et de l’émotion instantanée. La validité et la pertinence d’un propos se mesurent au nombre de clics, de vues ou d’abonnés.
Au risque de passer pour un vieux réac qui ne sait plus vivre avec son temps, doit-on condamner les réseaux sociaux ? Faut-il légiférer ? Éduquer ? Réguler ? Une chose est sûre : les réseaux sociaux ne sont ni neutres ni inoffensifs. Ce sont des outils puissants qui, entre de mauvaises mains, sur des cerveaux en construction, peuvent faire des dégâts. Il ne s’agit pas d’être passéiste. Il s’agit d’être lucide et d’alerter.
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