Pollution de l’eau au CVM : deux députés, deux approches

Le 2 avril, le tribunal d’Orléans examinait dix recours liés à la pollution de l’eau dans les communes de Châtenoy, Combreux et Sury-aux-Bois. En attendant le jugement, attendu le 16 juin, nous avons sollicité l’avis de deux députés sur cette crise qui mêle santé publique, responsabilités locales et choix de gestion.

Les habitants de trois communes du Loiret vivent au quotidien avec une eau impropre à la consommation – image Pixabay


Par Izabel Tognarelli.


Ouvrir son robinet et voir couler une eau marron, impropre à la consommation, difficile à utiliser même pour se laver ou faire une lessive, c’est la réalité quotidienne des habitants de Châtenoy, Combreux et Sury-aux-Bois. Et encore, ce n’est là que la face visible du problème. L’autre, plus insidieuse, concerne la présence de CVM (chlorure de vinyle monomère), un polluant invisible, dont les effets sur la santé peuvent être très graves à long terme.

Face à cette situation, les habitants s’adaptent comme ils peuvent (achat de filtres et d’eau en bouteilles) tout en continuant à payer une eau qu’ils ne peuvent pas pleinement utiliser. Le temps judiciaire, quant à lui, s’étire. Et les tensions montent entre citoyens et élus locaux. Les trois communes touchées, situées dans la 6e circonscription du Loiret, relèvent du député Richard Ramos (MoDem), qui a tenté de jouer un rôle de médiateur.

Dialogue, confiance et transparence : la méthode Ramos face à la crise

« En octobre 2024, j’ai écrit à tous les habitants de ces trois communes, dans toutes les boîtes aux lettres », explique Richard Ramos. « Ensuite, j’ai porté les inquiétudes auprès de l’ARS et de la préfecture. Je peux changer la loi, c’est ma fonction, mais la libre autonomie des collectivités territoriales existe dans le droit, et ce n’est pas le champ de ma compétence. »

Il insiste sur l’importance du dialogue entre les responsables locaux et les administrés : « Je pense qu’il y a eu un manque de communication. Ces sujets-là ne peuvent être traités que dans la confiance. Or, ici, elle a été rompue. En décembre 2023, j’ai réuni les trois maires et le président du SIAEP, afin de tenter de restaurer cette confiance. Il faut toujours un dialogue avec les concitoyens. »

Les trois communes ont confié la gestion de l’eau à un syndicat communal (SIAEP), un modèle auquel nombre de Français aimeraient revenir, mais qui, dans ce cas précis, montre ses limites. Qu’en pense Richard Ramos ?

« Je suis favorable à la gestion publique de l’eau. Quand l’eau est de bonne qualité à la source, la régie publique ne pose aucun problème, car il n’y a pas besoin de la transformer avec des technologies coûteuses. Mais dès que vous sous-traitez l’eau au privé, il faut nourrir les actionnaires, et les factures augmentent. La régie n’est pas une vertu en soi : ce territoire en est la preuve. »

Richard Ramos, réélu député Loiret 6e
Richard Ramos, député MoDem du Loiret, plaide pour une réponse concertée à la pollution de l’eau dans sa circonscription. Photo SD


Selon lui, la crise actuelle est aussi le fruit d’un manque d’investissement : « Sur ce bassin, il y a eu des négligences sur l’entretien du réseau pendant plusieurs décennies. Dans les collectivités, on rechigne à dépenser pour ce qui ne se voit pas. Quand on inaugure une salle des fêtes, elle se loue, tout le monde est content. Mais pour des tuyaux enfouis, le travail est invisible. » Avant de conclure : « À la rentrée, peut-être serait-il utile que le président du SIAEP organise une réunion publique avec les habitants, afin d’expliquer où en est la situation. »

Gabriel Amard plaide pour une régie publique ouverte et exigeante

Député LFI du Rhône, Gabriel Amard fait de la gestion publique de l’eau un combat politique. En tournée à travers la France, il plaide pour « un modèle public qui place l’humain et la nature au centre des préoccupations ».

À la suite de sa conférence de mi-parcours à Montargis, le 9 avril, nous l’avons interrogé sur le cas de ces trois communes du Loiret en régie municipale, mais où la gestion de l’eau pose problème. Pour lui, « ce n’est pas parce que l’on gère publiquement que l’on gère bien ». Il insiste : « La gestion publique de l’eau ne fait pas tout. Quand on est mécontent, les élections municipales sont là pour changer les équipes municipales. »

Gabriel Amard défend une gestion publique fondée sur l’implication citoyenne, notamment à travers la participation des usagers aux conseils d’administration des régies. Opposé aux délégations de service public confiées à des groupes privés comme Suez ou Veolia, il met en garde contre les contrats de longue durée qui neutralisent le pouvoir démocratique local : « Trois élections municipales peuvent passer sans pouvoir changer la façon de gérer. »

Quant aux critiques sur le manque de compétences techniques dans les petites communes, il répond en évoquant la coopération : « Les trois quarts des communes de France sont gérées en régies publiques : je veux pouvoir témoigner en leur faveur en disant qu’elles distribuent une eau de qualité au robinet. Il y a toujours des exceptions : il ne faut pas, à partir d’un exemple, tirer une généralité qui consisterait à dire que les communes rurales n’ont pas les moyens techniques pour faire face. Les régies publiques peuvent notamment se raccrocher à la fédération France Eau Publique. » Il s’oppose par ailleurs à des solutions imposées : « Cela doit être laissé à la libre administration des collectivités. Il faut coopérer en se mettant en réseau, en se réunissant en un syndicat intercommunal à vocation publique afin de s’occuper ensemble de l’eau potable. »

Enfin, Gabriel Amard dénonce le désengagement de l’État : « Il y a vingt ou trente ans, les services de la préfecture accompagnaient les communes. Aujourd’hui, l’État les renvoie vers des prestataires privés. » Le député LFI plaide pour un retour de services déconcentrés de l’État, solides et déployés, capables d’assurer leur mission sur le terrain.

À lire : Manifeste pour la gestion publique de l’eau, Gabriel Amard, aux éditions 2031, collection « Café citoyen ».

Gabriel Amard, lors de sa conférence coorganisée à Montargis par LFI et Les Écologistes – photo Izabel Tognarelli


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Commentaires

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  1. J’ai habité Sury au Bois de 1977 à1993. Dès l’année 1978, cette affaire de l’eau polluée et colorée par le manganèse était déjà un gros problème pour les utilisateurs… Des alertes avaient été faites auprès des autorités (mairie, préfecture…), même France Inter avait fait une intervention sur des réactions de la population, tellement cette eau était impropre à la consommation. Pas question de la boire à l’époque et pour les lessives effectuées, le linge ressortait des machines plus souillé que lorsqu’il y était entré. Mêmes causes , mêmes effets, on est surpris que rien n’ait changé depuis cette époque ! Les décisions qui s’imposaient n’ont pas été prises à l’évidence… En 35 ans(début des désordres pour le manganèse…), on aurait pu trouver le moyen de réaliser une station de traitement efficace et trouver le moyen de la financer ! S’ajoute à cela maintenant un délitement des canalisations très anciennes. A notre époque, c’est surprenant d’exposer la population à des risques de santé…

  2. Admirons la façon dont le député Ramos sait godiller et louvoyer comme à son habitude pour donner l’illusion de s’occuper des gens et se défausser sur les autres.
    Et cette pollution persistantes vient d’où au fait ? Le chlorure de vinyle monomère ne pousse pas dans la nature mais est fabriqué chimiquement pour créer du PVC .
    Où se trouve la source de cette pollution ? Une bel enquête à mener pour MagCentre !

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