Les Dernières nouvelles de demain

Les moins de soixante ans n’ont jamais entendu à la TSF le « Attendez-vous à savoir… » suivi de « J’ai encore appris… » de Geneviève Tabouis, journaliste et éditorialiste du siècle dernier. Magcentre va tenter de reprendre à son compte, par écrit cette fois, au niveau qui est le sien, un vendredi sur deux, le modèle mis en lumière par une figure du journalisme d’antan. Et même si cette rubrique ne revient que dans quinze jours, comme dirait Geneviève, « Au revoir, Mesdames et Messieurs, et à dimanche prochain, pour les dernières nouvelles de demain. »

Ding, dong, le pape est mort…

Vue sur la Place Saint-Pierre du Vatican
Vatican, vue sur la place Saint Pierre ©Pixabay



Par Fabrice Simoes.


Ding, dong, c’est la fin de la semaine pascale et des vacances de printemps pour la zone B. De Rome les cloches sont revenues. Dans le jardin, avec les lapins sherpas, elles ont laissé des poules et des œufs en chocolat autant créateurs de crises de foie que de crise de foi. Ding, dong, à l’appel du 3e round, les salariés d’Eurocast et d’Eurostyle, à Châteauroux et au Poinçonnet, sont sonnés. Depuis plusieurs mois, leur direction était en négociation avec un repreneur : le fonds Otium Capital. Un fonds solide. Un fonds profond, propriété du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, 77 000 abonnés sur Linkedin.com.

Pierrot l’indélicat

L’entrepreneuriat et toutes ces sortes de choses, il connaît le Pierrot. Permettez que je l’appelle Pierrot. Otium, il en est le fondateur et le président. La devise du fond, c’est « Une équipe au service des entrepreneurs, convaincue que le succès se construit ensemble ». Son souci à Pierrot, exilé en Belgique essentiellement pour son goût prononcé pour les frites, tout autant que pour les bières trappistes et d’abbayes, c’est plutôt l’impôt en général. Et ce qu’il faut en faire, en particulier. Avec ses sous, hors de question de construire des routes et des écoles pour tout le monde. Sur des bases financières cohérentes, même sans véritable direction industrielle, toutes les parties s’étaient mises d’accord. Ding, dong, dans les jours à venir, les clochettes des pointeuses allaient tintinnabuler à plein sur les sites castelroussins. À l’heure de la signature, personne de chez Otium Capital. Ni Pierrot ni l’un de ses inféodés n’est venu pour parapher en bas du document le jour dit. Comme ça, sans dire mot, sans explication, alors que même la SNCF trouve toujours une bonne excuse quand un train est annulé à la dernière minute. Une absence potentiellement liée aux valeurs du matérialisme et du cynisme décomplexé thatcherien ou un parfait exemple de la véracité des allégations de Warren Buffett, un autre milliardaire. Il affirmait, voilà quelques années déjà, que la lutte des classes existait et que ce sont les riches qui étaient en train de la gagner. Ding, dong, c’est le glas des espoirs déçus pour près de 500 salariés. Le milieu des affaires n’est pas à une parole non tenue près. En Berry, on le sait pourtant qu’« il faut ben être ch’ti pour pas promettre… ».

La messe est dite

Ding, dong, les cloches de Notre-Dame ont sonné 88 coups. Ding, dong, le pape est mort. « Un nouveau pape est appelé à régner ! Araignée, quel drôle de nom pour un pape. Pourquoi pas libellule ou papillon ? » Prévert a tout dit sur le sujet… Dans notre époque pourtant laïque, on ne manquera pas de reprocher au poète ce manque de respect envers la religion, quasiment le blasphème. Il convient pourtant de rappeler ici que le blasphème ne peut, par définition, être le fait que d’un croyant… Les athées, agnostiques et autres impies échappent tout autant au purgatoire qu’à l’enfer puisqu’ils ne croient ni à l’un ni à l’autre. Pour la même raison, ils n’iront pas au paradis non plus. Alléluia, et pi c’est tout. Le pape est mort. Pierrot, croyant parmi les croyants, c’est la perte soudaine de ce repère qu’il n’a probablement pas supporté. Homme schizoïde possédant tout ce dont il n’a pas besoin, comme le louait King Crimson première version, ou grand timide conservateur pétri de traditionalisme plutôt que de tradition, c’est tout le questionnement de notre Pierrot. Ou plus simplement un mépris pour une caste qui n’a jamais été la sienne. Pierre-Edouard-Robert-Raymond-Marie-Joseph – c’est pas du Kevin-Dylan ou du Tony-Bryan. La plèbe ne peut être que plèbe. Salauds de pauvres, va ! Ding, dong, fait le bruit du tiroir-caisse. Une petite question avant de partir. Dieu miséricordieux s’écrit avec combien de chiffres avant la virgule ? C’est pour un ami.

C’est pas tout ça. Avez-vous avez repris du pâté de Pâques ? Même froid c’est encore bon. Le pâté pas le pape, bande de mécréants !


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