À quand le retour des contre-fêtes de Jeanne d’Arc ?

Les fêtes de Jeanne d’Arc, organisées depuis 596 ans, attirent aujourd’hui encore des milliers de personnes. Mais ces fêtes divisent, car Jeanne d’Arc est depuis longtemps récupérée par la droite catholique, et plus récemment par l’extrême droite. À rebours de ces célébrations, des contre-fêtes étaient organisées. Si celles-ci ne sont plus à l’ordre du jour, elles pourraient bien revenir.

L'ancienne et la nouvelle Jeanne, lors de la cérémonie de remise de l'épée, le 29 avril 2025 devant la maison de Jeanne d'Arc d'Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.
L’ancienne et la nouvelle Jeanne, avant la cérémonie de remise de l’épée, le 29 avril 2025 devant la maison de Jeanne d’Arc à Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin. 


La ville d’Orléans le titre : ces fêtes sont censées faire « vibrer toute une cité et ses habitants, à l’unisson ». Or ces fêtes sont tout sauf représentatives de l’ensemble de la population. Elles représentent plutôt les Orléanais·es d’une droite conservatrice et nationaliste, un événement dans lequel, d’ailleurs, l’extrême droite trouve aujourd’hui facilement sa place. C’est pourquoi des contre-fêtes de Jeanne d’Arc avaient lieu par le passé, à partir des années 70, et ce jusqu’au début des années 2000, à Saint-Jean-de-la-Ruelle. Elles avaient pour objectif de fêter Jeanne d’Arc autrement, autour d’échanges et de rassemblements populaires, et surtout de s’opposer à l’union de l’État, de l’Église et de l’armée. Si ces contre-fêtes ne sont plus organisées aujourd’hui, elles pourraient revenir à la mode. Effectivement, les oppositions s’affirment sur le sujet avec une gauche souhaitant se réapproprier Jeanne d’Arc, la revendiquer comme une figure féministe, queer et anticoloniale. En faire un symbole de révolte et de liberté. C’est pourquoi l’association Orléans Solidaire et Écologique (OSE) propose de moderniser ces fêtes. Le Collectif Antifasciste Orléans a, quant à lui, essayé de réorganiser cette année des contre-fêtes de Jeanne d’Arc.

Des contre-fêtes populaires oubliées

Historiquement organisées par des collectifs de gauche radicale à Saint-Jean-de-la-Ruelle dès les années 1970, elles proposaient une alternative populaire aux cérémonies jugées trop institutionnelles et conservatrices. Ces événements mêlaient débats, spectacles, et moments de convivialité, en rupture avec l’aspect solennel, militaire et religieux des fêtes officielles.

En 2025, le Collectif Antifasciste d’Orléans a tenté de relancer cette tradition. Cela devait se passer le 8 mai au Jardin des Plantes d’Orléans sous la forme d’un pique-nique. L’objectif, d’après le collectif, était de « discuter entre personnes qui ne se retrouvent pas dans les fêtes de Jeanne d’Arc actuelles ». L’initiative n’a finalement pas pu aboutir, mais les organisateurs espèrent pouvoir la concrétiser l’année prochaine.

Autocollant créé et affiché dans les rues d'orléans par le Collectif Antifasciste d'Orléans.
Autocollant du Collectif Antifasciste d’Orléans.


Il faut dire que le collectif porte une toute autre vision des fêtes johanniques. Pour ses membres, il faudrait plutôt « laisser Jeanne d’Arc tranquille et s’intéresser à d’autres personnalités, car elle n’est venue que quelques jours dans le cadre d’une opération militaire à Orléans pour soutenir le roi de France ». Bien qu’elle ait transgressé les codes de son époque, ils rappellent que Jeanne d’Arc reste « une figure engagée dans des conflits armés et fidèle à la monarchie ».

Des fêtes aujourd’hui « poussiéreuses » ?

Alors, comment rendre ces fêtes plus populaires ? Face à cette ambivalence que peut représenter Jeanne, le collectif OSE, en route pour les municipales de 2026, a lancé une consultation publique afin de dégager des idées qui permettraient de moderniser ces fêtes. « Le mot qui revient le plus souvent est poussiéreux », explique Christine Tellier, présidente d’OSE. Il a ainsi été demandé aux habitant-es – seulement une centaine de réponses obtenues en deux jours – ce qui rendrait ces fêtes plus attrayantes. Plusieurs idées ont émergé : organiser des spectacles et concerts de rue, rendre les transports en commun gratuits durant les fêtes, que les associations orléanaises puissent davantage y prendre part.

Par ailleurs, il faudrait que tous les quartiers d’Orléans puissent participer aux festivités, y compris les autres communes de la métropole. Pour les sondés, il est temps d’en finir avec cette vision des fêtes centrée sur « la glorification de l’armée, de la religion, du rejet des autres, du nationalisme et de l’entre-soi blanc », poursuit Christine Tellier. À la place, il s’agirait de célébrer l’esprit de résistance de Jeanne d’Arc, dans une approche inclusive, plus conviviale et populaire en associant l’ensemble des habitants. Jeanne doit redevenir un symbole « de résistance, de liberté, d’égalité et de fraternité, de manière transgénérationnelle ». Mais surtout que ces fêtes deviennent laïques, qu’elles ne soient plus organisées par une association catholique, conclut-elle.

Plus d’infos sur Magcentre : 

Pourquoi la gauche a-t-elle abandonné Jeanne d’Arc ? 

Commentaires

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  1. Je me permets de vous signaler le bulletin hors-série du Cercle des cartophiles du Loiret publié en 2021 et intitulé “Jeanne d’Arc à toutes les sauces” où deux pages concernent les Contre-fêtes de Jeanne d’Arc portées par les mouvements libertaires et non-violents dès 1971. La 1ère grande fête champêtre eut lieu à Bou le 8 mai 1976.
    Christian Chenault

  2. Cet article dit que « la gauche souhaitant se réapproprier Jeanne d’Arc, la revendiquer comme une figure féministe, queer et anticoloniale », mais elle n’était rien de tout cela. Même l’historienne féministe Helen Castor a admis que Jeanne n’était pas féministe ; l’idée qu’elle était « queer » repose généralement sur l’affirmation que son armure et sa tenue militaire d’équitation la rendent « transgenre », mais elle s’est toujours identifiée comme la « pucelle des frontières de la Lorraine », d’après une prophétie qu’elle récitait souvent, prouvant ainsi qu’elle s’identifiait à cette fille ; et à aucun moment elle n’a parlé de colonialisme. Christine Teller affirme que Jeanne doit redevenir un symbole « de résistance, de liberté, d’égalité et de fraternité », comme si elle avait participé à la Révolution française (lorsqu’une foule a détruit la bannière de Jeanne). Réécrire l’histoire pour l’adapter à la politique de gauche est absurde.

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