Le Trianon, la valse des hésitations après un rock enflammé

Le quartier du Val cristallise les débats urbanistiques à Olivet. Les habitants sont appelés à se prononcer lors d’une nouvelle réunion publique. L’histoire du Trianon, aujourd’hui ruine calcinée mais autrefois haut lieu festif, ressurgit au cœur des discussions.

L'intérieur de la discothèque désaffectée d'Olivet
L’intérieur de la discothèque désaffectée à Olivet. Photo Philippe Voisin


Par Philippe Voisin.


La population du quartier du Val est appelée le mercredi 21 mai à une nouvelle réunion1 de concertation sur le plan d’aménagement local. Cette réunion s’inscrit dans un planning de réunions publiques qui concernent tous les quartiers d’Olivet. Mais le Val fait l’objet d’une attention particulière qui dépasse l’échéance électorale de 2026. Il s’agit de la construction d’une nouvelle école en zone inondable, du plan de circulation, de la construction d’une passerelle sur le Loiret et de l’avenir de la discothèque « le Pavillon », en ruine après un incendie, défigurant aujourd’hui la zone très fréquentée de l’horloge fleurie.

Une verrue dans la ville

Deux incendies criminels ont interrompu l’activité de la célèbre discothèque d’Olivet. En 2012, après une fermeture temporaire, elle a pu rouvrir ses portes mais de nombreuses plaintes du voisinage contre les nuisances nocturnes s’élèvent. En mai 2018, un spectaculaire feu qui a mobilisé une quinzaine de véhicules de secours et une cinquantaine d’hommes a ravagé l’établissement sans faire de victimes et mis une fin définitive à ses activités. Les 750 m² du bâtiment sont détruits.

Depuis, la façade emblématique du Pavillon cache difficilement une ruine calcinée et offre une surface disponible aux tagueurs spécialisés dans les friches urbaines. C’est seulement en 2024 que les propriétaires et la mairie se sont mis d’accord sur un prix de vente, 420 000 €. C’est alors que les élus ont mesuré les contraintes d’une réhabilitation et l’ampleur du chantier à venir. Que faire de cette parcelle envahie par une végétation incontrôlée qui témoigne depuis 7 ans des hésitations municipales ?

Un appel à projets est donc lancé sous le regard perplexe des riverains qui écartent fermement la perspective d’un nouveau lieu de plaisir nocturne. On a même entendu un élu évoquer en privé la destruction complète de l’ensemble. Oui mais pour quoi faire : un espace public rendu aux piétons avec poussettes ? Céder à la pression immobilière et commerciale ? Un parking ?

Un patrimoine festif oublié2

Après la vente de la ruine en août 2024, ICI Orléans résume l’Histoire du 108 avenue du Loiret : « Depuis le 19e siècle, c’était un lieu dédié à la danse. Au Tivoli, ancienne guinguette en 1894, a succédé Le Moulin Rose, Le Bal des Pépinières puis a vu le jour le Trianon de 1918 à l’après Seconde Guerre mondiale. Dans les années 2000, l’établissement a pris successivement les noms de Sunset, Zig-Zag, Zig pour devenir Le Pavillon ».

Dans cette partie Nord de la ville qui occupe le lit majeur de la Loire, la culture maraîchère et horticole a longtemps été une activité intensive. Elle a fait la fortune de plusieurs familles qui exploitaient des pépinières et dominaient le marché européen avant que les Hollandais n’écrasent la concurrence. Pendant cette époque florissante, le Val, laborieux la semaine, voyait affluer le week-end une population bien différente qui recherchait le plaisir et la détente. C’était l’époque des guinguettes et des bals musette au bord de l’eau, « une guirlande festive aux portes de la Sologne et d’Orléans ».

Carton d'invitation du Syndicat d'initiative d'Olivet en 1949
Invitation du Syndicat d’initiative d’Olivet en 1949. Capture PV


Dans ce temps-là, on venait, de loin parfois, pour s’étourdir sur des ritournelles et canoter sur les eaux calmes et vertes de la belle rivière ombragée. Robes à dentelles, ombrelles à ruban, chapeaux plats. Comme dans un tableau de Renoir. Il reste aujourd’hui quelques adresses connues comme le Madagascar, le Pavillon Bleu. D’autres existent encore dans les mémoires des anciens, l’Hôtel Paul Forêt, La Closerie des Lilas et l’Eldorado, aujourd’hui transformées en résidences privées. Olivet doit en grande partie sa renommée actuelle à ces établissements de plaisirs qui ont vu défiler des générations d’une jeunesse insouciante.

(1) La précédente consultation des habitants du quartier s’est tenue le 11 octobre 2024
(2) Les guinguettes du Loiret de la belle époque aux années 1960, Bernard Sajaloli et Sylvain Dournel, historiens chercheurs à l’Université d’Orléans

De Roland Vannier et son accordéon à Dominique Revert et ses disques vinyles

Dans les années cinquante, au plus fort de l’occupation américaine, le dancing faisait salle comble. Plus d’un millier de danseurs venaient danser chaque dimanche au rythme du grand orchestre musette de Roland Vannier et au plus grand bonheur de la bourse d’Edmond Guillon, propriétaire depuis 1945. Pendant les années Giscard, le week-end, la jeunesse passait du Petit Rambouillet à l’Eldorado en passant par le Trianon et les Canotiers. Elle enchaînait les madisons sur les mélodies de Stany Surany. Les couples se font et se défont !

À partir de 1980, Jean-Baptiste Hénault et son épouse Elizabeth, entrepreneurs locaux et restaurateurs connus, lancent, dans un Trianon en baisse de fréquentation, le Zig Zag. Ils recrutent Dominique Revert, le petit jeune qui monte à Orléans. Disc-jockey à la nouvelle patinoire du Baron, animateur de radio-libre, il rêve de concerts de stars. C’est l’âge d’or de la vie nocturne orléanaise et une aventure extraordinaire. « Je cherchais une salle pour mes concerts, dit-il, Jean-Ba et Babette me l’ont offerte. Un beau bâtiment, avec une structure en fer ». Alors, c’est une incroyable succession de groupes pas encore célèbres qui se produiront. The Pogues, Berurier Noir, Woodentops, Taxi Girl, les Rita Mitsouko, The Cramps et Indochine. L’événement était au Zig-Zag. À Olivet. Et le marathon de la danse, remake pacifique et provincial du film américain de 1969 « On achève bien les chevaux ». Quelle ambiance ! C’étaient les années Mitterrand !

Un patrimoine architectural, œuvre d’Édouard Lanson

La façade si singulière du Trianon est un marqueur de la reconstruction d’après-guerre. Cependant, elle ne fait pas l’objet d’un classement au titre de monument historique. Elle est l’œuvre d’Édouard Lanson, architecte Olivetain peu connu en dehors des spécialistes de l’urbanisme. Il est pourtant très présent dans l’environnement visuel des Orléanais puisqu’il a participé à la reconstruction du centre-ville autour de la place du Martroi, détruit par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. À Olivet, c’est lui qui a imaginé un espace culturel rive gauche du Loiret dans la propriété du Beauvoir cédée à la ville par l’industriel Joseph Maury3, maire d’Olivet de 1948 à 1965. La salle des sports du Beauvoir récemment rénovée témoigne de cet ambitieux projet. On lui doit également de nombreuses constructions privées et publiques comme l’école maternelle du Poutyl inaugurée en 1958. Édouard Lanson est un ancien élève de l’École nationale des Arts Déco, ce qui explique sa créativité et son audace. L’architecte est oublié dans les récits officiels de l’histoire communale.

(3) En 1922, les frères Chaffoteaux se rapprochent de Maury, concepteur de chauffe-bain pour fonder une marque qui s’est développée jusqu’en 2022

Haut lieu de la culture populaire

Ce qui étonne les historiens Sajaloli et Dournel, c’est que le temps des guinguettes des bords du Loiret n’est pas un héritage qui fait patrimoine : « Il mobilise un passé populaire qui ne cadre plus avec la stratégie d’attraction territoriale d’Olivet ». Garder la façade du Trianon ou la détruire, le maire d’Olivet n’a pas de préférence. Ce qui est urgent pour Matthieu Schlesinger, c’est la mise en sécurité du site et sa dépollution. Pour les idées de réhabilitation, il s’en remet aux propositions des habitants. C’est-à-dire plus tard…

Réunions de quartiers, à 18h à l’Alliage :

  • Lundi 12 mai : quartier Centre
  • Jeudi 15 mai : quartier Est
  • Mercredi 21 mai : quartier du Val

Retransmission en direct sur olivet.fr


Plus d’infos autrement :

Requalification des mails historiques d’Orléans : Olivet est contre !

Commentaires

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  1. Article à charge toujours aussi mal renseigné.

    Comme si les élus engageaient les deniers publics à l’aveuglette, sans vision technique et sans professionnalisme…

    La ville d’Olivet se reconstruit sur elle-même ce qui n’est pas le cas de sa voisine qui n’hésite pas à bétonner de grands champs en zone inondable, je n’ai pas souvenir que vous l’ayez jamais relevé.

  2. Voilà qu’un simple état des lieux d’un bâtiment incendié devient une charge en règle contre une municipalité toute entière. Défendre ses sensibilités ou ses copains, pourquoi pas. Mais encore faut-il lire avant d’intenter des procès d’intention numériques.

  3. Article très bien documenté sur l’historique de ce lieu où musique(s) et coeurs se rencontraient. En plus de groupes, dans les années 60/70 qui allaient devenir des stars il y avait les groupes locaux.
    Et si la ville d’Olivet faisait de ce lieu quelque chose comme au 108 rue de Bourgogne? ,

  4. L’histoire de ce lieu a été bien retracée, je me permettrais de le joindre à la demande que nous instruisons adressée à l’architecte des Bâtiments de France. Dans notre action de valorisation des traces du passé d’Olivet c’est un des éléments.
    Retraçant l’histoire récente nous avons alerté le contrôle de l’égalité sur le non suivi des conditions de vente définies par le service des domaines de ce lieu, objet de beaucoup de nos interventions pour les nuisances de voisinage. La recommandation faite d’un suivi au tribunal était pour nous l’objet de dilemme. La jurisprudence semblait claire mais l’intérêt d’achat également. Notre indécision a entraîne le vendeur à prendre rapidement sa décision. Très bien c’est une autre aventure qui démarre maintenant et la déclaration en Réunion publique du maire adjoint d’une décision déjà prise montre une réflexion municipale incohérente, n’en deplaisse aux groupis. Ce sont les habitants qui doivent décider ce qu’il est possible de faire. Constatons cependant que les lieux de vie manquent sur Olivet vie apaisée naturellement.

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