Victime d’un massacre le 26 mai 1171, la mémoire de la communauté juive de Blois a été honorée par l’apposition d’une plaque au cœur de l’ancien quartier blésois le 11 mai dernier. La présence du grand-rabbin de France Haïm Korsia a donné une dimension symbolique à l’événement.
Marc Gricourt, maire de Blois, a appelé à ne pas faire l’amalgame entre l’antisémitisme et antisionisme. Crédit JLV.
Par Jean-Luc Vezon.
Le 26 mai 1171, une trentaine de membres de la communauté juive de Blois – forte d’une centaine de familles à l’époque – femmes, enfants et rabbins furent brûlés au lieu-dit la Boire sur décision du comte de Blois Thibault V. Ce drame fut déclenché par un incident fortuit donnant naissance à des rumeurs calomnieuses comme celle prétendant que les Juifs tuaient des enfants pour utiliser leur sang pour préparer le pain azyme destiné à la fête de Pessa’h (Pâque juive).
En fait, il s’agirait plutôt d’une vengeance de sa femme jalouse Alix prêtant à son époux une liaison avec une veuve juive nommée Pulcelina ; d’autres avancent qu’elle était une simple prêteuse à qui le comte devait une importante somme d’argent. Le contexte des Croisades pour libérer Jérusalem « aux mains des infidèles » attisait par ailleurs le ressentiment des catholiques envers les Juifs.
Lors des discours en présence des membres de la communauté juive blésoise, Didier Lévy, président du Consistoire israélite du Centre-Ouest(1), est revenu dans le détail sur ce crime rituel, premier acte d’une politique d’exclusion et d’expulsion des Juifs de France à partir de 1182 par Philippe II Auguste.
Les propos d’Haïm Korsia, grand-rabbin de France, étaient naturellement très attendus. Sans notes, la plus haute personnalité religieuse de la communauté juive s’est livrée à un vibrant plaidoyer pour la fraternité, la tolérance et la paix. « Le contraire de l’amour, ce n’est pas la haine, c’est l’indifférence » a-t-il déclaré, citant Elie Wiesel et évoquant la mémoire du jeune juif Ilan Halimi torturé et assassiné en 2006.
Il a aussi remercié le préfet de Loir-et-Cher qui a décidé d’organiser la cérémonie en l’honneur des Justes parmi les Nations vendômois, épinglant au passage le maire de Vendôme qui a rejeté le dysfonctionnement sur son directeur de cabinet en le congédiant.
Distinguer antisémitisme et antisionisme
Condamnant la montée des actes antisémites (1.570 en 2024 contre 436 en 2022 selon le CRIF), le maire de Blois Marc Gricourt a reconnu « la part d’ombre de la ville ». Mais il a aussi exhorté à ne pas instrumentaliser le conflit israélo-palestinien et à ne pas confondre l’antisémitisme qui est un délit, de l’antisionisme qui est une position qui n’est pas en soi synonyme d’antisémitisme.
Citant aussi l’historienne et journaliste Sophie Bessis qui dénonce l’islamophobie que porte la civilisation judéo-chrétienne, le maire a aussi rappelé que « l’antisémitisme est protéiforme et traverse toutes les composantes de notre société, de l’extrême droite – souvent – à la gauche, où il émerge parfois ».
« La République se forge dans sa capacité à s’approprier son histoire et à défendre son unité et son humanité », le préfet Xavier Pelletier a ponctué cette cérémonie d’une grande dignité à laquelle assistaient également l’adjointe à la Mémoire, Christelle Leclerc, le vicaire général du diocèse, le rabbin d’Orléans, Arié Engelberg et des représentants des mosquées de Blois.
(1) 7 communautés soit environ 1000 familles. (2) La cérémonie aura finalement lieu le 16 juin au Minotaure.
Le grand-rabbin de France Haïm Korsia a condamné la volonté de report par le maire de Vendôme de la cérémonie en mémoire du couple de Justes vendômois. Crédit JLV.
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